Depuis les années 1990, le rosé est un vin hyper populaire en Europe et surtout en France. On en consomme plus qu’on en produit ! Ce vin léger, agréable à boire, abordable, qui s’accorde avec une variété de mets, et qui séduit de nombreuses personnes même s’ils n’aiment pas le vin.

Aujourd’hui, le rosé répond aux nouvelles tendances de consommation axée sur le plaisir et les variétés de vins rosés aromatisés explosent. Le rosé pamplemousse fut une vraie tendance il y a encore peu et je vous proposais une recette maison pour en faire dans l’article « Quel vin pour accompagner un barbecue ? ».

Le saviez-vous ?

Les rosés sont élaborés à partir de raisins rouges dont le jus est laissé peu de temps au contact des peaux — quelques heures seulement —. Ainsi, une petite partie des tanins est absorbée par le jus et donne sa couleur au vin rosé. C’est la raison pour laquelle le rosé peut être bu à la même température que du vin blanc.

Couper du rouge avec du blanc, c’est mal !

Vinovalie est un regroupement de caves coopératives du Sud-Ouest. Les quatre coopératives de Vinovalie représentent en tout 470 vignerons travaillant 3.800 hectares de vignes répartis sur trois appellations : Gaillac, Fronton et Cahors. Ce regroupement a été jugé hier coupable de tromperie sur la qualité en procédant à des coupages de vins blancs avec des vins rouges pour obtenir du rosé. Le tribunal correctionnel d’Albi a condamné la société basée à Brens, dans le Tarn, à 10’000 € d’amende, plus 1’000 € de contravention. En plus de cela, trois de ses responsables devront également verser des amendes allant de 1’000 à 5’000 €.

Cette affaire remonte à 2012 où la société a « procédé à des coupages de vins blancs avec des vins rouges pour l’obtention de rosés, sans que ces manipulations aient été portées sur des registres », selon le jugement du tribunal. Les vins concernés sont des vins de table, sans indication géographique, aromatisés au pamplemousse et au citron. Les rosés ont été vendus à deux grossistes avant d’être vendus aux consommateurs.

Pour les services des répressions, l’intégrité des consommateurs aurait été bafouée puisque cela correspond à plusieurs infractions à la réglementation communautaire. Une pratique clairement interdite selon la réglementation. Un vin rosé produit dans les règles ne présentera pas les mêmes caractéristiques organoleptiques qu’un vin de coupage, car la composition des cépages blancs et des cépages noirs est très différente.

D’après les mots de la présidente du tribunal, « J’ai du mal à vous croire. Vous êtes des professionnels avec des vignerons dans la coopérative et vous produisez du vin rosé sans savoir comment on le produit, en le coupant avec du blanc pour écouler les stocks et répondre à la demande du marché ».

Selon l’avocat de Vilovalie, « Je vous mets au défi de prouver que le coupage de rosé et de blanc est interdit. En Italie et en Espagne, aujourd’hui, on continue à produire du vin rosé, sur les mêmes bases. Les dispositions européennes le permettent. On assemble du rosé et du blanc sans difficulté pendant des années et on interprète maintenant le décret du 4 mai 2012. On nous fait un procès qui ne repose sur rien. Les grossistes ne se sont pas portés partie civile et n’ont aucun préjudice. Le produit final, acheté et commercialisé, est un assemblage aromatisé à base de vin. Et non du vin ». L’avocat a bien entendu plaider la relaxe de ses clients. Pour la procureure, leur responsabilité est engagée dans ces infractions matérielles.

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La réglementation sur la production de vin rosé

L’avocat mettant au défi de prouver que le coupage de rosé et de blanc est interdit, j’ai décidé de trouver ce que dit la loi — et elle est plutôt claire —.

Le décret français du 4 mai 2012

L’article 17 du décret relatif à l’étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques ne peut pas franchement porter à confusion.

« Pour les vins produits en France, le coupage d’un vin blanc et d’un vin rouge ou rosé ne peut pas produire un vin rosé. Toutefois, ce coupage est admis lorsque le produit obtenu est destiné à l’élaboration d’un vin mousseux, d’un vin mousseux de qualité, d’un vin mousseux de qualité de type aromatique ou d’un vin pétillant. »

La raison de cette exception sur les vins mousseux et pétillants est normale. Une seule zone d’appellation autorise l’assemblage de vins rouges et blancs en vue de l’obtention d’un rosé: la Champagne. Lors de l’élaboration de la cuvée, il est possible d’assembler des vins de Chardonnay avec ceux de Pinot Noir et Pinot Meunier. Il ne s’agit pas seulement d’un mélange de vins finis puisque cette cuvée doit subir la prise de mousse qui correspond à une nouvelle fermentation, celle de la liqueur de tirage et qui donne la mousse en bouteille.

Ce que dit la réglementation européenne

En janvier 2009, les 27 États de l’Union Européenne ont adopté un projet de règlement autorisant les mélanges de rouge et de blanc pour produire du rosé. Ce projet, pourtant soutenu par le Comité Européen des Entreprises de Vin à conduit à la protestation de vignerons — en tête de file, ceux de Provence —. Face à la gronde, la décision de Bruxelles a été repoussée à juin 2009.

Le 8 juin 2009, l’Union Européenne a renoncé à légiférer sur le vin rosé. La législation applicable est donc celle de l’État où est produit le vin.

En Europe, une deuxième exception autorise le coupage pour le « vino tinto de mezcla » produit en Espagne.

Conclusion

Ce matin, l’avocat de la société Vinovalie a annoncé faire appel de la décision du tribunal correctionnel d’Albi. À la lecture des différents textes, il semble difficile de prouver l’innocence de l’entreprise. Pensez-vous qu’il devrait être autorisé de faire du rosé de coupage en France ?

Jean-Nicolas Mouretin