C’est certainement un petit pas pour l’agrochimie, mais un grand pas pour la viticulture. La société bordelaise ImmunRise a découvert une algue microscopique produisant des molécules aux vertus bio-pesticides prometteuses pour la vigne. Après des tests en laboratoire, il semblerait que cette algue soit efficace à 100 % contre le mildiou, une maladie grave de la vigne. Prochaine étape ? Il lui faut encore prouver son efficacité sur le terrain.
Réduite en poudre, cette microalgue a combattu in vitro les champignons responsables des principales maladies décimant la vigne. La viticulture étant le plus gros consommateur de produits phytosanitaires de synthèse en France, un biopesticide pourrait révolutionner la culture de la vigne dans l’hexagone — et rayonner dans le monde entier —.
Laurent de Crasto, co-fondateur d’ImmunRise |
Les essais du laboratoire de l’Institut national de Recherche Agronomique de Bordeaux — INRA — affichent des résultats époustouflants ! Cette microalgue est efficace à 100 % sur le mildiou, 50 % sur le botrytis, une moisissure aussi appelée « pourriture grise ». Even better, la microalgue est efficace contre quatre des sept champignons responsables de l’esca, une maladie du bois qui fait des ravages dans les vignobles. Cette dernière maladie n’a toujours pas de traitement efficace depuis l’interdiction européenne en 2001 de l’arsénite de sodium, une substance hautement toxique responsable de la mort de certains vignerons.
Des résultats à confirmer sur le terrain
Marie-France Corio-Costet, chercheuse de l’INRA spécialisée dans la limitation des intrants chimiques dans la viticulture nous rappelle que « 100 % d’efficacité en labo, c’est très encourageant, mais il faudra que cela se retrouve lors des essais en plein champ ». Elle souligne d’ailleurs que « des produits qui marchent dans les tests, il y en a des milliers. Et sur les produits fongicides particulièrement, il faut être très prudent, car ils ne fonctionnent pas toujours aussi bien en conditions réelles ».
L’activité Recherche de la société ImmunRise est à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure à Paris, où travaille son cofondateur Lionel Navarro. En septembre 2015 déjà, la société avait identifié cette microalgue à l’effet fongicide surprenant. Bien que la société possède un brevet, elle se garde bien de communiquer le nom de cette microalgue prélevée au large des côtes bretonnes. Currently, les équipes de recherche sont en train d’identifier les molécules fongicides que l’algue produit.
@AFP/Archives NICOLAS TUCAT |
Une algue miraculeuse pour la vigne
Laurent de Crasto, œnologue, ingénieur agronome et co-fondateur d’ImmunRise explique avoir « eu de la chance, une chance provoquée par le choix des micro-organismes testés ».
Dans l’unité de pré-industrialisation de Pessac, près de Bordeaux, l’algue est cultivée dans des bacs d’eau de mer reconstituée. Il suffit de 15 jours pour que l’algue injectée dans l’eau puisse être récupérée sous forme de pâte qui est ensuite séchée pour devenir une poudre. Le viticulteur n’aura alors plus qu’à mélanger cette poudre, qui se conserve plusieurs mois, avec de l’eau pour l’épandre avec ses outils de pulvérisation habituels. Si les tests sur le terrain confirment l’efficacité de l’algue, « Avec un seul traitement, le viticulteur agit sur trois maladies de la vigne », souligne Laurent de Crasto.
@AFP/Archives NICOLAS TUCAT |
Mais l’algue ne s’arrête pas là, les tests ont démontré que cette molécule naturelle est biodégradable et n’a aucune toxicité sur la plante. Now, des tests d’écotoxicologie sont en cours pour vérifier qu’elle n’est pas toxique pour l’environnement et les êtres vivants.
ImmunRise est-elle tout simplement en train de révolutionner l’industrie des produits phytosanitaires ? Avant de répondre, il faut encore que l’algue passe avec succès les différents essais sur les terrains de l’INRA de Bordeaux. Ils seront mis en place durant la prochaine campagne viticole d’avril 2017. « Si les tests se confirment, ce sera très innovant », explique Marie-France Corio-Costet. « Beaucoup d’entreprises et de grandes firmes font des recherches sur les biopesticides et la bio-stimulation », mais « des produits homologués avec de bons résultats il y en a encore peu », précise-t-elle.
Si l’algue rencontre les succès espérés, ImmunRise va commencer par « offrir ses services » — en échange d’un chèque — à la filière viticole de Bordeaux et de Cognac. À terme, la société souhaite récupérer de l’eau de mer sur les côtes d’Aquitaine, de faire proliférer la microalgue dans des bassins sous le soleil de la forêt landaise et de l’épandre sur le vignoble de la région. « Pour traiter l’ensemble du vignoble bordelais, on a estimé qu’il faudrait 6000 m3 de bassins, soit un à deux hectares », indique Laurent de Crasto.
Cette algue risque bien de jouer un rôle majeur dans le développement de la viticulture biologique actuellement en perte de vitesse en France.
Jean-Nicolas Mouretin
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