La France est le premier consommateur de Porto au monde. Pourtant, c’est un vin qu’elle connaît mal. Initiez-vous au Porto avec Beaux-Vins !
Si le Portugal jouit d’une réputation sans égal, c’est bien pour ses grands vins de dessert : les Portos. Pour moi, le Porto est le plus fameux vin fortifié du monde. Ils sont souvent considérés comme des apéritifs ou des digestifs, alors qu’ils peuvent aisément accompagner tout un repas.
Un peu d’Histoire
Le Portugal est un pays viticole depuis des temps anciens. Si on se réfère aux écrits de l’historien et géographe Strabon, 200 ans avant J.Christ, on y produisait et buvait déjà du vin dans cet espace géographique. La vallée du Douro fait officiellement partie des premiers vignobles de la zone européenne.
Au IIe siècle avant JC, les Romains s’installent dans la région pour plus d’un demi-siècle. Comme toujours, ils y cultivent la vigne le long d’un fleuve : le Douro. Aujourd’hui, ce fleuve est toujours connu puisqu’on y produit a ses abords le Porto. La naissance du Royaume du Portugal en 1139 est le symbole d’une prospérité sans précédent grâce aux exportations de vin.
En 1386, le Royaume-Uni et le Portugal signent le traité de Windsor qui rapproche les deux pays grâce à des accords politiques, militaires et surtout commerciaux. Les deux pays s’engagent à garantir des droits équivalents à leurs marchands respectifs ce qui accentue considérablement les échanges. C’est ainsi que de nombreux marchands anglais s’installent au Portugal. L’échange le plus marquant – et qui nous intéresse ici – est bien celui de vin portugais exporté vers les îles britanniques en échange de la morue salée appelée bacalhau au Portugal.
En 1654, un nouveau traité commercial entre le Royaume-Uni et le Portugal engendre de nouvelles opportunités commerciales pour les marchands anglais vivant au Portugal. Ils obtiennent des privilèges spéciaux et des droits de douanes préférentiels. Il faut noter que la ville de négoce n’est pas encore Porto à l’époque, mais Viana do Castelo dont l’emplacement en fait un port naturellement sûr.
En 1667, Colbert, alors premier ministre du Roi Louis XIV, met un embargo sur les produits anglais. Charles II d’Angleterre décide alors l’arrêt de l’importation des vins français. Les Anglais se tournent alors vers leur allié militaire de longue date : le Portugal, dont l’arrière-pays produit des petits vins rouges appréciés. Pour permettre au vin de supporter le long transport maritime, un peu d’eau-de-vie était ajoutée avant le voyage.
Pied de nez à l’histoire : les français, qui ont poussé les anglais à consommer du vin portugais, boivent désormais trois fois plus de Porto qu’eux !
Qu’est-ce qu’un Porto ?
Le vin de Porto est un vin fortifié. Il faut comprendre par là qu’on a procédé à une opération de mutage. C’est-à-dire l’ajout d’alcool alimentaire ou d’eau de vie au vin pendant sa fermentation afin de conserver du sucre résiduel pour obtenir un vin souple et opulent. Pour de nombreux amateurs de vin, le Porto Vintage est une référence parmi les grands vins, à l’instar des vins de Bordeaux ou de Bourgogne.
Le mutage du vin de Porto n’est pas devenu une technique de référence sans fracas. Largement utilisé dès les années 1840, le mutage ne devient systématique que dix ans plus tard. Son plus fervent opposant était le Baron Forrester, figure emblématique du vin de Porto et premier dessinateur d’une carte géographique détaillée de sa région de production : la Vallée du Douro. Jusqu’en 1862, le Baron mène une guerre acharnée contre le mutage. Cette bataille se termine lorsqu’il meurt noyé dans les rapides de Cachão da Valeira. Alors qu’il rentre d’un déjeuner à la Quinta de Vargellas avec Dona Antónia Ferreira, fondatrice de la maison de Porto Ferreira, et la Baronne Fladgate, épouse de John Fladgate, Baron de Roêda, son bateau fait naufrage. Les passagers sont projetés dans les eaux vives après que l’embarcation a heurté un rocher. Les dames survécurent grâce à leurs robes à crinolines leur servant de bouées de sauvetage. Forrester quant à lui ne sera jamais retrouvé. L’Histoire ne nous dira pas si sa détermination aurait pu avoir raison de l’opposition de ses collègues. Sans ce naufrage, le vin de Porto ne serait peut-être jamais devenu le grand vin muté tel qu’il est aujourd’hui.
Le vin de Porto est fascinant de complexité et de diversité de styles. Chaque style a ses caractéristiques propres de telle sorte, que tout un repas peut être accompagné de Portos.
Porto n’est pas qui veut
Il ne faut pas s’y m’éprendre, le Porto tire son nom de la ville éponyme où le Douro se jette dans l’océan, mais n’y est pas produit. Les vignobles sont bien plus loin dans les régions montagneuses du Douro ; une des premières régions viticoles reconnues par le gouvernement dès 1756. La majorité des vins de Porto sont déjà vinifiés lorsqu’ils rejoignent la côte à Porto, cependant nombreux sont ceux qui vieillissent dans la banlieue de la ville de Vila Nova de Gaia.
Si vous avez un Jean-Michel Sait-Tout dans votre entourage, votre cher Beaux-Vins est là pour vous aider à le moucher facilement ! Demandez-lui de citer les cépages autorisés pour produire du Porto. « Pourquoi ? » me demanderez-vous ; tout simplement parce qu’il y a 80 cépages presque tous autochtones pouvant être autorisés. Les 6 cépages principaux sont : le Touriga Nacional, le Tinta Roriz aussi appelé Tempranillo, le Tinta Barroca, le Tinta Cao, le Touriga Francesca et le Tinta Amarela.
Comme toujours lorsque quelque chose est apprécié, il est copié. De nombreux pays se sont lancés dans la production de vins doux dans le style du Porto et indiquent sur l’étiquette la mention « Port ». Il est rare d’en trouver un arrivant à la cheville d’un vrai Porto produit au Portugal.
Le Porto, un vin pluriel
Tous les Portos sont doux, et la majorité d’entre eux sont rouges. Cependant, il faut comprendre sa pluralité pour bien le choisir. Il existe une infinité de styles selon la qualité du vin utilisé, la durée de maturation en fût de bois et l’usage d’un ou plusieurs millésimes. En 1880, l’écrivain Henry Vizetelly, fait la remarque suivante : « On dit qu’il y a autant de styles de vin de Porto qu’il y a de couleurs de rubans dans une mercerie. »
La diversité de styles de vins de Porto tient essentiellement dans la diversité des modes d’élevage. Grâce à sa grande capacité de garde, dû entre autres au mutage, le Porto peut se bonifier en fût, en foudre ou encore en bouteille au-delà de vos rêves les plus fous. Le temps et type d’élevage influera sur le goût de votre Porto.
En gagnant en maturité, le Porto s’arrondit. Du fruité intense et de la fermeté tannique de sa jeunesse, il évolue vers ce caractère velouté, souple et subtil apporté par le temps. Parallèlement, le vin perd progressivement sa couleur rouge profond, et vire vers une teinte délicatement ambrée, appelée « tawny » (fauve). Un vin de Porto élevé sous bois évoluera plus rapidement qu’un Porto emprisonné dans une bouteille. De la même façon, un fût de petite capacité vieillira plus rapidement qu’en foudre de grande capacité.
Les différents types de Porto
Les Portos oxydatifs
Les Portos oxydatifs sont des Portos ayant évolué au contact de l’air et se sont par conséquent oxydés. Sous l’effet de l’oxygène, la couleur va évoluer du rouge sombre au roux pendant leur maturation. Ce sont des Portos qui se conservent longtemps après avoir été ouvert.
Le Porto blanc
Le premier des Portos dont je voulais vous parler n’est pas rouge, mais bien issu de cépages blancs traditionnels. Selon qu’il soit doux ou sec, vous retrouvez six variantes de Portos blancs en fonction de la quantité de sucres résiduels : extra-dry, dry, half-dry, half-sweet, sweet et Lagrima. Les blancs doux ayant la même dose de sucre que les Portos Rouges, dire « Porto Blanc » le classe de fait dans la catégorie des « doux ». Ils doivent être bus très frais – voire frappés –.
Le Porto Blanc est généralement oxydatif, avec une macération longue pour acquérir les composés nécessaires à sa couleur dorée et ses arômes. Une macération moins longue peut être effectuée pour garder une couleur pâle et la fraîcheur aromatique. Il vieillit plus ou moins de temps dans des grandes cuves ou des foudres en bois suivant la catégorie de Porto recherché : Blanc classique ou Blanc Reserve. Le Blanc Colheita ou Mention d’Âge passe en vieillissement dans de plus petits fûts où l’oxydation jouera son rôle.
Le Porto Chip Dry de Taylor, le tout premier Porto blanc sec jamais élaboré, lancé en 1934, est l’un des plus connus.
Le Porto Tawny
Comme pour le blanc, le Porto Tawny se caractérise par un vieillissement oxydatif avec traditionnellement une période de macération de cinq à sept ans. Il passe ensuite dans des petits fûts appelés « pipas », d’une contenance allant de 550 à 600 litres. Plus le fût est petit, plus le contact du vin avec l’air ambiant est important. Le temps de vieillissement et le type d’assemblage déterminent la catégorie du Tawny élaboré : classique, reserve, Colheita ou mention d’âge.
Lorsqu’il porte une indication d’âge, il s’agit de l’âge moyen des Portos assemblés. Ils vieillissent dans des fûts de chêne pendant 10, 20, 30 ou même parfois 40 ans. Le Porto Colheita est un porto issu des vendanges d’une seule année et élevé au minimum sept ans en fût. Il est officiellement reconnu extraordinaire par « l’Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto ». Les portos de type Tawny, riches et moelleux, développent de délicieux arômes noisettés et caramélisés, avec un beau boisé fondu. Plus le contact avec le bois est prolongé, plus ces arômes s’intensifient. Taylor possède une des plus vastes réserves de Portos Tawny vieillis sous bois, âgés de 10, 20, 30 et 40 ans, entreposés dans ses chais à Vila Nova de Gaia.
Les Portos réductifs
Les Portos réductifs ont été élevés à l’abri de l’air. Ils sont ainsi sensibles à l’oxydation et donc à boire rapidement une fois la bouteille ouverte.
Le Porto Ruby et Late Bottled Vintage
Les Portos rouges, fruités et amples, issus d’élevages relativement courts en grands foudres de chêne. Ce sont le Porto Ruby, d’habitude élevé deux ou trois ans en foudre, le Porto Reserve, généralement plus qualitatif et vieilli un peu plus longtemps, et le Porto Vintage de mise en bouteille tardive (LBV) qui séjourne entre quatre et six ans en foudre. S’ils expriment différents degrés de complexité et de raffinement, ils ont en commun la même robe juvénile rouge soutenue et les mêmes arômes fruités et intenses de cerise, de mûres sauvages et de cassis.
Le Porto Vintage Character
Ce Porto est un véritable piège pour les néophytes, car on pense de par son nom qu’il est millésimé. Or, ce n’est pas le cas. Il tend à offrir le caractère de ces derniers. Il s’agit en réalité d’un assemblage de plusieurs Porto Ruby de très bonne qualité et de plusieurs millésimes et qui sont vieillis en fût pendant quatre ans. Le vin qui en résulte est corsé, riche et prêt à boire. Parce que les choses ne sont jamais suffisamment compliquées ; certains domaines ne mentionnent pas « Porto Vintage », mais lui préfèrent des noms comme Six Grapes pour Graham ou Bin 27 pour Fonseca.
Le Porto Vintage
Le Porto Vintage est, comme son nom l’indique, issu d’un unique millésime et de plusieurs des meilleurs vignobles. Il est mis en bouteille dans les deux premières années pour y vieillir. C’est durant cette période qu’il acquiert son caractère tannique et riche. Il faut savoir être patient avec ce Porto puisqu’il faut attendre ses vingt ans pour pouvoir commencer à l’apprécier. Ce vin est de garde et nécessite d’être décanté et filtré plusieurs heures pour pouvoir le consommer.
Le Porto Colheita
Souvent confondu avec le Porto Vintage, il porte une mention de millésime. C’est en réalité un Porto Tawny d’un unique millésime. S’il faut retenir un producteur spécialisé dans le Porto Colheita, c’est bien Niepoort.
Le Porto Single Quinta Vintage
Ce Porto est un Vintage issu d’un seul chai. Ils sont issus de bons millésimes non réquisitionnés pour la production du Porto Vintage. Bien que devant être décanté, ils sont plus rapidement consommables que les Portos Vintage.
Porto Crusted
Originellement, Le Porto Crusted était produit lors de l’embouteillage en Angleterre des vintages. Le Vintage était transporté en fût avant d’être embouteillé sans filtration. Les fonds de barrique, pleins de dépôts, n’étaient pas utilisés. Ils étaient alors rassemblés dans un seul et même fût et mis en repos pour décantation. Ce vin perdait alors son appellation de vintage et était embouteillé pour le plaisir du personnel de cave. Aujourd’hui, l’obligation de mise en bouteille au Portugal a tué cette coutume. Une poignée de maisons tentent de maintenir cette appellation au travers d’assemblages, non pas de vintages, mais de vins de qualité supérieure de type LBV ou Ruby sélectionnés qu’il est obligatoire de conserver deux ans en bouteille avant mise sur le marché. C’est le cas des maisons Graham’s et Churchill. Hormis le côté élitiste de ces vins, ils ne présentent pas de qualités organoleptiques exceptionnelles : on leur préférera souvent des LBV traditionnels, non filtrés.
Bien servir et déguster son Porto
Un bon Porto doit être manipulé avec soin et lorsque vous le débouchez il est important de ne pas le secouer pour laisser la lie au fond de la bouteille. Traditionnellement, il se sert dans des verres tulipes en cristal que l’on remplit qu’aux deux-tiers. Comme tout vin, une très bonne bouteille entamée doit être terminée dans les jours qui suivent pour garder tout son caractère.
L’accord le plus connu se fait avec le melon, mais le Porto se marie aussi parfaitement avec les fromages à pâte persillée comme le roquefort. Il fonctionne aussi très bien avec les desserts aux pommes ou au chocolat comme le brownie. Vous pouvez tout simplement l’apprécier à l’apéritif avec quelques glaçons ou un bon cigare.
Et si vous goûtiez un cocktail au Porto ?
Il existe de nombreux cocktails à base de Porto. Il fait des merveilles avec le cognac ou les liqueurs de fruits. Le cocktail le plus connu est certainement le Porto Flip. Il vous suffit de mélanger 5 cl de Porto, 1 cl de cognac, 1 jaune d’œuf et une cuillère à café de sucre. Vous pouvez le relever d’une pincée de noix de muscade pour en profiter pleinement.
Vous pouvez aussi réaliser le Salazar, qui doit son nom au dictateur portugais qui a fait couler beaucoup de sang d’où la couleur rouge du cocktail. Il se réalise avec 8 cl de Porto rouge, 2 cl de vodka, 2 cl de tequila et 1 cl de crème de cassis.
Il y a autant de variétés de Porto que de styles de vin, à vous de trouver le votre !
Jean-Nicolas Mouretin
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