D’après une étude, boire du vin rouge permettrait d’améliorer la performance physique. Beaux-Vins décrypte cette information entre sport et vin…
D’après une étude publiée par des chercheurs de l’Université d’Alberta au Canada, boire un verre de vin rouge aurait autant d’effets positifs sur l’organisme que de pratiquer une heure de sport ! Cette étude très sérieuse révèle en effet que le vin rouge contiendrait des substances bénéfiques pour l’organisme, qui seraient également générées durant une activité physique.
Voilà ce qu’on pouvait lire sur de nombreux billets fin 2015, mais est-ce vraiment le cas ?
L’étude sport et vin en question
Selon cette étude, un composé naturel présent dans certains fruits, les noix et le vin rouge peut améliorer l’entraînement et la performance lors d’exercices physiques. Jason Dyck et son équipe de scientifiques ont découvert par le biais d’expériences en laboratoire que de fortes doses du composé naturel appelé resvératrol améliorent la performance physique, la fonction cardiaque et la force musculaire des cobayes de laboratoire.
« Nous étions très excités de découvrir que le resvératrol montrait des résultats similaires à ce que vous verriez pendant un entraînement intensif d’endurance » explique Dyck, qui travaille à la Faculté de médecine et de dentisterie en tant que chercheur dans les départements de pédiatrie et de pharmacologie.
« Nous avons immédiatement vu le potentiel de ces résultats que nous avons identifié et imaginé la possibilité d’en faire une pilule d’amélioration des performances ».
Une telle découverte permettrait aux personnes diabétiques et souffrantes d’insuffisances cardiaques d’optimiser le peu de sport qu’ils peuvent faire, voire de le remplacer totalement.
Sport et vin, la question qui fâche…
L’étude n’est plus toute jeune
Nous retrouvons systématiquement les mêmes arguments dans les articles traitant du sujet. Les billets évoquant cette étude racontent que les chercheurs ont « analysé les différents éléments contenus dans la plupart des vins rouges ». Ces vins contiendraient beaucoup de resvératrol, un polyphénol qui a des effets extrêmement positifs sur notre santé.
Étrangement, nous retrouvons ce genre d’argument dans presque toutes les sources et la technique du plagiat est souvent de la partie — que c’est dur d’écrire lorsque l’on est journaliste ou blogueur —. La raison de l’usage intensif du copié-collé est très simple : l’étude date de 2012 — c’est encore plus difficile de vérifier ses sources —
Le resvératrol fonctionne sur les rats qui font du sport
Vous n’avez jamais vu un rat faire du sport ? Pourtant les chercheurs ont constitué deux groupes de rats, toutes les petites bêtes poilues se sont pliées à trois mois d’exercices physiques. Le premier groupe avait en complément du resvératrol que l’autre groupe n’avait pas. Résultat, le groupe consommant du resvératrol a montré une amélioration de 20 % de ses performances physiques par rapport au second groupe.
L’expérience ne démontre donc pas que le vin peut remplacer le sport, mais bien que c’est l’association d’exercices physiques et de resvératrol qui est efficace ! D’ailleurs l’étude porte le titre « L’amélioration des fibres musculaires et de la fonction cardiaque induite par le resvératrol durant des exercices contribue à de meilleures performances chez les rats ».
Le resvératrol n’est pas du vin
Les chercheurs ne se sont pas amusés à donner du vin rouge aux rats, mais une dose concentrée de resvératrol. Pour être plus précis, les rats ont consommé quatre grammes de resvératrol par kilo de nourriture donnée. — les chercheurs n’ont pas donné 1kg de nourriture à chaque repas —
En sachant que l’on retrouve 12 mg de resvératrol par litre de vin, il vous faudrait boire 330 litres de vin pour obtenir l’amélioration de 20 % des performances physiques constatée chez les rats… tout en pratiquant du sport de façon intensive.
Il en va de même pour les autres bienfaits constatés sur l’organisme du resvératrol. Il faudrait en consommer 40 mg par jour pour en voir les effets et malheureusement boire 3 litres de vin par jour n’est pas bon pour la santé puisque le vin contient du sucre et de l’alcool.
Le resvératrol dans d’autres produits
Vous aurez compris que chercher à obtenir les bénéfices du resvératrol dans le vin n’est pas une solution. D’autres aliments contiennent du resvératrol et sont moins mauvais pour la santé, comme les mûres ou les cacahuètes — l’apéro cacahuètes et vin rouge ne vaut toujours pas une heure de sport —. Il est aussi possible d’acheter des compléments alimentaires de resvératrol sous forme concentrée.
Le resvératrol comme sport divise les chercheurs
Nous avons vu récemment dans l’article « Grande-Bretagne : le vin rouge remis en cause » que les autorités britanniques revoyaient les recommandations en matière d’alcool et de santé publique. Et bien entendu, ces recommandations iraient à l’opposer des études qui démontrent les bénéfices du vin rouge.
Comme le souligne l’étude des chercheurs de l’Université d’Alberta — et d’autres —, le vin rouge possèderait des propriétés bénéfiques pour la santé. C’est ce que les Anglo-saxons appellent le « French paradox ». Malgré un régime riche en matières grasses, les Français restent peu sujets aux problèmes cardiaques. Les resvératrol, un antioxydant et anti-inflammatoire naturel, préviendrait également certains cancers et agirait contre la maladie d’Alzheimer.
Sport, vin et espérance de vie…
Mais voilà, une équipe de chercheurs américains démontre que le resvératrol n’est pas le composé miracle qu’on aimerait croire. L’étude appelée « Niveaux de resvératrol et mortalité toutes causes des personnes âgées sédentaires vivant en collectivité » a été menée par les chercheurs américains entre 1998 et 2009. Ils ont analysé les données médicales de 783 Italiens de plus de 65 ans dans 2 villages de Toscane.
Pourquoi la Toscane ? Parce que cette région est productrice de Chianti, un vin rouge contenant un haut niveau de resvératrol. Les scientifiques se sont amusés à mesurer le niveau de resvératrol contenu dans les échantillons d’urine des participants — c’est sympa d’être scientifique —. Les cobayes ne suivaient aucun régime particulier. Le résultat démontre qu’il n’y a aucun lien entre espérance de vie et niveau de concentration en resvératrol dans les urines.
Encore une fois, cette étude doit être prise avec des pincettes. D’après le professeur de biochimie de Bourgogne, Norbert Latruffe, « Les personnes ayant de plus fortes concentrations en métabolites de resvératrol étaient aussi de plus gros fumeurs, consommaient plus d’alcool, pratiquaient plus d’exercice physique… les résultats sont donc difficiles à interpréter ». De plus, « les effets de ces molécules ne sont pas spectaculaires, car ce sont des nutriments et non des médicaments. Pour que les résultats soient statistiquement significatifs, des études longues et sur une population importante sont nécessaires ».
Malgré les résultats, les chercheurs relativisent en expliquant que les bienfaits du vin rouge et du chocolat sur l’organisme doivent venir d’autres polyphénols contenus dans ces aliments. La tendance actuelle est de systématiquement rechercher des arguments santé — merci Monsieur Marketing — pour les produits alimentaires inutiles à notre équilibre. Il faudrait donc commencer à véritablement considérer la pyramide des besoins alimentaires et de considérer tous les autres produits comme des produits de plaisir uniquement.
Peut-être que ces aliments sont bons pour notre organisme seulement parce qu’ils nous procurent du plaisir et sont associés à un mode de vie plus sain et convivial ?
Jean-Nicolas Mouretin
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