Une nouvelle étude menée par le Journal of Wine Economics sonne comme un véritable pavé jeté dans la marre. Dans cette dernière étude, sobrement appelée « False label claims about high and rising alcohol content of wine », les étiquettes de vin sous-estimeraient volontairement la teneur d’alcool contenue dans le vin.

Bien que dans la plupart des cas, les teneurs sont légèrement plus basses que la réalité, la tendance pourrait révéler que le vin comme nous le connaissons est certainement une chose du passé.

Ce que nous apprend l’étude

Dans le cadre de cette étude, les scientifiques de l’Université de Californie ont analysé 127’406 bouteilles de vin à travers le monde et ont constaté que près de 60 % des échantillons contenaient un peu plus d’alcool que ce que les étiquettes prévoyaient. Par exemple, les données ont montré que la teneur en alcool réelle moyenne dans la plupart des vins était de 13,56 % d’alcool par volume alors que la moyenne rapportée par les étiquettes était 13,15 %. Cette tendance a été constatée aussi bien sur les vins rouges que les vins blancs, et l’écart était plus grand sur les vins provenant d’Amérique du Nord que ceux provenant d’Europe.

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À vrai dire, ce n’est pas vraiment une surprise. Depuis quelques années, les médias rapportaient une hausse présumée de l’alcool dans le vin à travers le monde. En 2014, The Guardian avait mis en évidence la question et suggérait le rôle du changement climatique dans cette tendance. Des températures plus chaudes font que les raisins sont plus sucrés, et les raisins plus sucrés produisent plus d’alcool. Bien que ce constat soit logique, cela n’explique pas pourquoi les viticulteurs ne parviennent pas à informer les consommateurs de la nouvelle teneur en alcool. Il assez facile et peu cher de mesurer la teneur en alcool, par conséquent les étiquettes inexactes semblent avoir été faites volontairement.

Selon l’étude, la raison de cette sous-estimation peut être purement économique. Beaucoup d’amateurs de vin ont des attentes fortes sur le type de vin qu’ils consomment, et lorsque le vin ne répond pas à ces attentes ils préfèrent un autre vin. Les chercheurs ont rapporté que certains vignerons ont explicitement déclaré qu’ils choisissaient délibérément de sous-estimer la teneur en alcool sur une étiquette de vin en particulier, sans dépasser la marge d’erreur prévue par la loi, « Les vignerons pourraient être incités à donner de fausses informations en percevant une préférence du marché pour un certain degré d’alcool selon le type de vin ».

Pourquoi un vigneron sous-estimerait-il l’alcool de son vin ?

Bien sûr, cet écart pourrait être une simple erreur ou un lissage de l’ensemble de sa production, mais les chercheurs notent qu’il est simple et peu coûteux de connaitre précisément l’alcool dans le vin. Alors, pourquoi les vignerons voudraient truquer les chiffres ?

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Bien que ce rapport montre que de petites différences dans le contenu d’alcool des vins étudiés, The Guardian a rapporté une augmentation globale moyenne de 2 % dans les deux dernières décennies. Bien que certains peuvent croire que la teneur en alcool de plus en plus élevée dans le vin est une bonne chose, juste une différence de 1 % change beaucoup de chose dans la teneur en alcool et les limites de consommation. De nombreux viticulteurs estiment qu’un vin ne devrait jamais avoir une teneur d’alcool supérieure à 14 %. Malheureusement, cette tendance globale pourrait signifier que le vrai vin peut un jour devenir une chose du passé.

Une autre explication tend à expliquer l’écart entre les vins européens et les vins d’Amérique du Nord: la fiscalité. En effet, le taux d’impôt des États-Unis est plus élevé pour les vins qui sont à plus de 14 % d’alcool par volume. En indiquant moins que cette teneur, le vigneron fait des économies non négligeables. Le taux d’imposition des États-Unis passe de 1,07 $ le gallon pour les vins contenant 14 % d’alcool ou moins à 1,57 $ le gallon pour le vin entre 14,1 % et 21 % d’alcool.

En France — et toute l’Union européenne —, la teneur en alcool du vin doit obligatoirement être mentionnée sur l’étiquette avec une tolérance de 0,5 % par volume (art. 54 du règlement CE n° 607/2009 du 14.7.09). Par conséquent, un vin qui titre un degré d’alcool de 13,5 % peut en réalité contenir entre 13 et 14 %. En plus de cette marge d’acceptation s’ajoute, en pratique, une marge d’erreur de 0,2 % sur le mesurage. La tolérance est portée à 0,8 % pour les vins bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP, stockés en bouteille pendant plus de 3 ans, pour la plupart des vins mousseux et des vins de liqueur ainsi que pour les vins issus de raisins surmûris. Toutes ces marges peuvent conduire théoriquement à un écart de 1,5 % par rapport à la teneur en alcool indiquée.

Jean-Nicolas Mouretin

Pour aller plus loin : « Splendide Mendax: False Label Claims About High and Rising Alcohol Content of Wine »

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