Il y a parfois des actualités qui peuvent nous faire esquisser un sourire bien qu’elles soient plutôt graves. La semaine dernière, les Vignobles Sud-Roussillon — dans les Pyrénées-Orientales — ont déposé une plainte auprès du Procureur de la République de Perpignan après la disparition de 500’000 à 800’000 hectolitres de vin dans la cave coopérative de Trouillas.
Un préjudice à 1,5 million d’euros
On connaissait la part des anges, mais cette fois-ci les anges ont été plus que gourmands puisque 5’000 à 8’000 hectolitres de vin, essentiellement du vin doux naturel, se sont volatilisés des cuves de la cave de Trouillas. Chaque année, la cave coopérative produit 60’000 hectolitres de vins. Après avoir réalisé un inventaire, l’actuelle équipe dirigeante a constaté un écart de près de 10 % entre la réalité et les volumes de stocks enregistrés comptablement. Pour vous donner une idée de ce que cela représente, c’est l’équivalent de 25 camions semi-remorque. Avec une telle quantité de vin disparu, même Travolta est confus…
L’essentiel des volumes manquants porte sur du Muscat de Rivesaltes, vendu autour de 140 euros l’hectolitre. Le préjudice pour la coopérative s’élève à une somme allant de 1 à 1,5 million d’euros.
Une mauvaise nouvelle après un an d’existence
Comme l’explique Denis Surjus, président de Vignobles Sud-Roussillon : « On a fusionné en 2015. On s’est aperçu qu’il y avait des choses qui ne cadraient pas. On a fait un tour de la cave le 25 avril. Il y avait des cuves qui auraient dû être pleines et qui avaient été vidées. On s’est aperçu que les volumes de stocks enregistrés comptablement n’existaient pas. »
© Radio France – Sébastien Berriot |
Les Vignobles du Sud-Roussillon sont nés de la fusion des caves coopératives du Haut-Roussillon : Pollestres et Ponteilla, et des caves coopératives Sud-Roussillon : Trouillas, Bages et Saint-Jean-Lasseilles. La cave rassemble 250 viticulteurs et malheureusement, pour chacun d’entre eux cela pourrait signifier une perte estimée à plusieurs dizaines de milliers d’euros puisque le vin disparu ne pourra plus être commercialisé.
Cependant, Denis Surjus rassure les vignerons : « Le préjudice ne pénalisera pas nos adhérents d’avant la fusion, car dans notre protocole de fusion, un article précise que ce qu’on découvrira après la fusion, dont l’origine remonte à avant la fusion, sera assumé par les adhérents de la structure absorbée. Nous réfléchissons à des solutions pour étaler ce manque à gagner pour ces producteurs. Mais cette affaire risque de décourager les adhérents impactés. »
Cette disparition est aussi un problème pour les douanes : « Nous avons immédiatement alerté le service des Douanes qui estime d’ores et déjà le manque à percevoir concernant les droits à 250’000 euros. Ensuite, bien sûr, nous avons déposé une plainte auprès du procureur de la République. »
Une enquête est en cours
« La question est de savoir où sont passés les vins ? » s’interroge Denis Surjus, le président de Vignobles Sud-Roussillon. « Est-ce qu’il y a eu des erreurs sur le comptage des stocks ? Cela nous paraît peu probable. Est-ce qu’il y a du vin vendu sous le manteau ? On ne sait pas… »
« L’enquête devra le confirmer, mais il y a tout lieu de penser que la volatilisation de ces volumes remonte à cinq, voire dix ans et qu’elle s’est étalée sur plusieurs années, car aujourd’hui, le Haut Roussillon ne produit plus que 1’000 hectolitres de Rivesaltes par an », confie Denis Surjus. Il espère toutefois que les responsables, les dirigeants et ceux qui ont validé les comptes à l’époque de la fusion sauront expliquer cette mystérieuse disparition. Il appartient désormais à la justice d’en analyser la cause.
Une situation que la nouvelle structure n’entend pas endosser comme l’explique Denis Surjus, président des Vignobles Sud Roussillon. « Dans le protocole de fusion, il est précisé que tout ce qui est découvert ayant une origine antérieure à la fusion, est à la charge des adhérents de l’ancienne structure. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour aider ces coopérateurs en étalant notamment les charges sur 5 ans et les droits de consommation appelés par les douanes à hauteur de 335 000 euros. Mais nous ne pouvons pas faire supporter à l’ensemble des coopérateurs les conséquences de cette malversation. »
Des nouvelles de cette enquête du vin
Des faillites en vue suite à la disparition du vin
Une solution qui ne satisfait pas certains coopérateurs de Trouillas impactés à des degrés divers par cette escroquerie et au nom desquels la Coordination Rurale entend se porter partie civile. « Certaines récoltes ne seront pas payées aux vignerons de l’ancienne structure établie sur Trouillas, précise Philippe Maydat, président de ce syndicat agricole pour les P.-O. Ils vont, de surcroît, devoir acquitter des charges et supporter une situation qui va inévitablement provoquer leurs faillites. La nouvelle structure ne veut pas mutualiser les pertes. Ce qui pourrait pourtant éviter la ruine de certains vignerons. »
Plainte contre X
Philippe Maydat ajoute qu’ils ont « rencontré le préfet pour le tenir informé de cette affaire et allons porter plainte contre X en nous constituant partie civile au nom d’une dizaine d’adhérents contre l’ancien directeur et l’ancien caviste de la cave de Trouillas. Et ce, afin que la justice désigne les responsables au plus vite. »
La décision judiciaire est attendue par Denis Surjus, président des Vignobles Sud Roussillon car, même si elle n’apporte pas de réponse rapide aux préoccupations financières des coopérateurs impactés par cette fraude énorme, elle pourrait permettre de faire baisser les tensions en désignant les responsables de cette mystérieuse disparition.
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