Le vin rouge a une place prépondérante dans les notations de vins. Existe-t-il une discrimination des blancs ? Décryptez ce phénomène avec Beaux-Vins !
En vous penchant sur les sites ou livres de notation de vins, vous avez sûrement remarqué ce phénomène étrange sans pour autant pouvoir l’expliquer : le vin rouge a une place prépondérante sur ces différents classements.
On se demande s’il n’y aurait pas un « un biais en faveur des vins rouges » chez les critiques de vins ?
La notion de biais vérifiée…
C’est en tout cas ce que tend à démontrer une étude menée sur 64’000 scores publiée par des critiques renommés. Les tendances sont marquées :
- Les vins rouges obtiennent de meilleurs résultats que les vins blancs
- Les vins rouges sont surreprésentés au-dessus de 90 points
- Les vins blancs sont surreprésentés en dessous de 90 points
En fait, les vins rouges ont 1,2 fois plus de chance d’être notés au-dessus de 90/100 que les vins blancs. Encore mieux, lorsque deux experts évaluent un même vin, la seule chose sur laquelle ils s’accordent ou non est si un vin est bien au-dessus ou en dessous de 90 points. Lorsqu’un vin obtient une note supérieure à 90, les notes suivantes varient beaucoup plus qu’avant. En cela, la notation des experts du vin ne semble pas aussi objective qu’elle le devrait…
Les auteurs de l’étude se sont aussi penchés sur le rapport entre le score obtenu et le prix de la bouteille de vin. Ils se sont aperçus qu’après avoir dépassé les 90 points, « le prix de vente va augmenter rapidement… [avec quelques] vins rouges moins bien notés que certains vins blancs et pourtant plus chers. C’est le cas par exemple, d’un Cabernet de la Napa ayant obtenu 90 points et qui coûte 75 $, alors qu’un Chablis avec 93 points n’en coûte que 45 $.
On se rend bien compte que quelque chose se passe, mais quoi ?
L’auteur de cette étude, Jeff Siegel, propose diverses explications. Il est possible que les viticulteurs soient prêts à investir plus d’argent pour produire un vin rouge car « les consommateurs sont prêts à payer plus pour un vin rouge ». Un investissement plus important peut aider le viticulteur à améliorer la qualité de son vin et les consommateurs sont prêts à récompenser cet effort, mais pas pour les vins blancs.
Le biais de la dégustation de vin d’un critique
Les biais et préjugés jouent un rôle important lorsque l’on doit donner un avis « objectif » sur les qualités ou défauts d’un vin. Si le dégustateur sait qu’il est en train d’analyser un Grand Cru de Bourgogne d’un millésime donné, il sera plus à même à mettre la note maximum que s’il est en train de boire le Beaujolais d’un petit producteur. Pour empêcher cela, la dégustation à l’aveugle est utilisée.
Sauf que voilà, après avoir participé à différentes dégustations à l’aveugle, je me suis rendu compte qu’il existe toujours un biais dans cette façon de fonctionner. Même si nous ne connaissons pas exactement les bouteilles dégustées, il y a toujours un thème général. « Nous allons déguster des vins de Bourgogne à partir du millésime 1998 » ou encore « nous allons comparer les vins de différentes régions viticoles françaises ». Le simple fait de dire cela va entraîner des préjugés conscients ou inconscients chez le dégustateur.
Comment un dégustateur pourrait-il mettre une note maximum à un vin, connaissant son prix ou tout du moins la région — et donc son prix implicite — ? Il mettra certainement une note en fonction de ce qu’il sait et c’est malheureusement ce que le dégustateur professionnel va faire.
Allons plus loin…
De plus, certains dégustateurs se déplacent directement chez le vigneron pour goûter les vins et les noter. Il sait donc quel vin il va boire, qui l’a produit et une multitude de biais va entrer en ligne de compte. Outre le fait que le dégustateur aura déjà en tête la note qu’il pense mettre, l’accueil du vigneron, le cadre de la dégustation, l’intérêt pour la région… Bref, TOUT va intervenir sur sa décision.
Vous l’aurez compris, les notes des dégustateurs professionnels n’ont pas grand intérêt selon moi. La seule façon de pouvoir vraiment donner une note et réduire au maximum les biais est de réaliser une vraie dégustation à l’aveugle. La seule chose que le dégustateur devrait savoir est la couleur du vin : pas de prix, pas de bouteilles visibles, pas de régions et plus encore. Moins on a d’informations sur le vin et plus on est apte à le juger pour ce qu’il est vraiment.
Le biais dans le vin est-il simplement historique ?
Si le rouge est considéré aujourd’hui comme plus prestigieux, c’est aussi parce que c’était le cas dans le passé. Le développement des systèmes de classification des vins français a bien trop souvent concerné les vins rouges et les catégories les plus élevées étaient souvent réservées aux vins rouges. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les Britanniques se sont amusés à critiquer et noter les vins ; et ils ont bien entendu favorisé les rouges. Les Robert Parker et consorts sont des descendants directs de ces écrivains britanniques parlant du vin. Le biais sur les vins rouges n’a fait que persister dans le temps sans véritablement évoluer.
Il faut bien conclure
Finalement, la véritable question est de savoir si les vins rouges sont meilleurs ou non que les vins blancs. Certains avanceront qu’ils sont de fait plus complexe : présence de tanins, plus souvent boisé. Mais encore une fois, un vin plus complexe est-il meilleur ? Difficile à dire… Ne vous est-il jamais arrivé d’apprécier un vin très simple et bien fait plutôt qu’un vin complexe ? Ce que nous éprouvons lorsque nous goûtons un vin est étroitement lié à votre expérience et vos conditions physiques le jour où vous le dégustez. Il est même impossible de séparer les deux. Et c’est peut-être ce qui rend le vin si beau : un plaisir intellectuel et hédoniste.
Mais cette étude soulève une autre question : Où est le vin rosé ?
Jean-Nicolas Mouretin
L’étude en question : Expert Scores and Red Wine Bias
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