Poursuivi pour tromperie du consommateur et publicité comparative illicite, le vin du château de Reignac a perdu son appel… Découvrez en plus avec Beaux-Vins !
Yves Vatelot, propriétaire du Château de Reignac — Entre-Deux-Mers —, a comparu devant le tribunal de Bordeaux pour « pratiques commerciales trompeuses » à cause de son vin.
Toute cette histoire commence par une dégustation à l’aveugle organisée par un grand jury de dégustateurs. En 2009, le Château de Reignac concourait au côté de Petrus, Château Margaux et autre Cheval Blanc. Résultat de la dégustation à l’aveugle : notre fameux domaine arrivait deuxième, derrière le Château Angelus. Dans la foulée, Yves Vatelot lançait sur Youtube une vidéo qui poussait comme des champignons suspects sur les réseaux sociaux.
Mon avis sur cette vidéo
Cette vidéo a été capturée à l’hôtel Laurent (Paris), le 29 juin 2009. Cette dégustation à l’aveugle est organisée par François Mauss, créateur du Grand Jury Européen en 1996. L’objectif de Mauss est de proposer un point de vue collectif sur les vins pour limiter l’influence des critiques unilatérales. Ainsi, il a proposé à 15 dégustateurs reconnus, 11 vins du millésime 2001 sans connaître les étiquettes à l’avance. Jusque-là tout va bien me direz-vous ?
… Mais il ne faut pas pousser mémé !
Je trouve édifiant et instructif de voir les pontes de la dégustation dire que le Château Haut-Brion est imbuvable, que le Château Margaux est acide ou encore que le Petrus 2001 est évolué sans pour autant les avoir reconnus à l’aveugle ! Pour des pointures du monde du vin, ça fait presque peur…
À côté de ça, ces cadors adorateurs de Bacchus font du pied au Château Reignac 2001, un simple Bordeaux Supérieur à moins de 20 €. Le vin est confondu avec le Château Angelus et est placé deuxième de la dégustation. La vérité c’est que le Château Reignac n’est pas un mauvais vin, c’est même un très bon Bordeaux supérieur à moins de 20 €. Par contre, de là à le confondre avec la crème de la crème du bordelais, il ne faudrait pas pousser. Et dire qu’il donne chaque année des conseils sur les primeurs bordelais, alors qu’ils ne sont pas foutus de faire la différence entre un Bordeaux supérieur et un Petrus…
Loin des meilleurs Bordeaux, ce vin manque de finesse, d’élégance et de complexité pour entrer dans la cour des grands. Je me demande encore aujourd’hui comment le « Grand » Jury Européen a pu donner un avis aussi partial sur cette dégustation. Grisé par leur notoriété, ont-ils passé plus de temps à vouloir reconnaître les vins qu’à vraiment les noter ? Nous ne le saurons certainement jamais.
Imaginons qu’ils soient à la hauteur de leur réputation démesurée
Une dégustation comme celle-ci n’est qu’une photographie capturant en une demi-seconde un instant futile du monde du vin. C’est bien beau tout ça, mais qu’en est-il de la capacité de vieillissement de ces quilles ? Reignac, après 20 ans de conservation, risque d’être bien fade face à un Petrus du même millésime ! En plus de ça, le Reignac dégusté était-il à son apogée lors de la dégustation face à ces concurrents bien trop jeunes pour être appréciés à leur juste valeur ?
Leur devise est jolie sur le papier. Comment pourrait-on contredire qu’un avis collectif soit meilleur qu’un seul ? On se croirait dans un roman d’Alexandre Dumas où les héros scandent en chœur « Un pour tous, tous pour un ! ». Sauf qu’une somme de subjectivité ne donnera jamais une objectivité. Donc ce que proposent ces dégustateurs, comme d’habitude, c’est de la poudre de Perlimpinpin !
Le tour était joué, il ne manquait plus que les journalistes et blogueurs ayant pignon sur rue pour que l’information soit propagée comme une traînée de poudre.
Quand on attaque l’Empire, l’Empire contre-attaque
Bien que cette vidéo ait fait beaucoup parler d’elle, c’est un encart publicitaire dans le Figaro qui a fini par déclencher l’ire de la profession. Le vigneron de Saint-Loubès s’était inspiré en 2014 du slogan de France Info pour provoquer le Léviathan bordelais. La publicité revendique en ces quelques mots : « Reignac, 1er grand cru classé ». Un astérisque renvoyait à une mention révélant que « Si c’était vrai, peu se l’offriraient. »
Sous la pression et la détermination de la profession, Yves Vatelot s’était contraint à modifier le contenu de sa publicité. Mais c’était trop tard, l’inquisition bordelaise était lasse de son comportement hérétique ! Trois ans plus tard, le propriétaire du Château de Reignac se retrouve sur le banc des accusés pour pratiques commerciales trompeuses et publicité comparative illicite. Le Conseil des vins de Saint-Émilion, l’Union des grands crus classés de Graves et le Conseil des grands crus classés de 1855 n’y vont pas avec le dos de la bouteille. Chacun réclame la modique somme de 100’000 € de dommages et intérêts.
L’enquête menée par la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, judicieusement appelée Direccte, a confirmé les accusations. « Toute sa commercialisation est basée sur la comparaison. Il cultive en permanence le doute et entretient la confusion », accuse Me Poulou en détaillant les brochures et le contenu de certaines des pages du site Internet du Château.
Pour Yves Vatelot cette mascarade de justice n’a aucun sens : « Le consommateur moyen s’y connaît. Il sait qu’à 20 euros, il ne peut pas se payer de grands crus classés ». Mais les vieux décrets sont toujours là et de vigueur.
L’utilisation de la mention « Grand Cru classé » est codifiée. Personne ne peut s’en prévaloir car son usage est exclusivement réservé aux élites du vignoble de Bordeaux. Quant à la publicité comparative, elle n’est acceptée qu’entre viticulteurs de même « niveau ». Rien n’interdit les Bordeaux Supérieur de mener un combat de coqs, mais ils doivent le faire dans leur cour.
« Il agace les grands crus »
Juridiquement, les dégustations à l’aveugle remettant en cause la suprématie de Grands Crus n’ont pas grande valeur. « Les journalistes, les critiques peuvent faire des comparaisons. Ils en ont le droit. Lui non. La législation protège les grands crus classés. La bouteille est chère, mais derrière il y a la qualité », insiste la procureure Nathalie Queran, requérant une peine de prison avec sursis assortie d’une amende de 30’000 € à l’encontre du Château de Reignac.
L’avocate d’Yves Vatelot, Me François Tosi déplore « Ces poursuites qui n’ont pas de sens ». « On lui reproche, par exemple, d’avoir dit que son terroir était digne de celui d’un grand cru classé. Mais c’est écrit dans le Féret, la bible des vins de Bordeaux. En quoi, s’appuyer sur des écrits incontestables ou sur des critiques de spécialistes pour promouvoir ses crus serait illicite ou de nature à induire en erreur ? Reignac tire vers le haut l’appellation Bordeaux Supérieur mais il agace les grands crus. Ils veulent lui mettre le pied dessus », s’emporte François Tosi sous le regard du dit vigneron.
La justice leur a donné raison. Yves Vatelot devra payer 30’000 € d’amende, dont 20’000 € avec sursis. De plus, le vigneron devra verser 2’000 € à chaque partie civile.
« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » Les Animaux de la Peste — La Fontaine
Ici, le bodet ne s’est pas contenté de tondre le pré de la largeur de sa langue. Il s’est cru pour le renard et a eu les dents bien longues en s’attaquant avec désinvolture aux « Rois » du bordelais. Cette affaire nous révèle qu’il n’y a pas de gagnant, mais que des perdants. À vouloir trop en faire, on se retrouve sur le banc des accusés à plaider une cause perdue face à des puissants dont le pouvoir n’a d’égale que leur avarice.
Condamnation confirmée en appel pour le Château Reignac
La nouvelle est tombée le 12 Septembre 2018 à Bordeaux : le Château Reignac, poursuivi pour tromperie du consommateur et publicité comparative illicite a perdu son appel.
Pour la Cour d’Appel de Bordeaux se revendiquer l’égal d’un Grand Cru n’est pas légal. Elle confirme donc la condamnation du domaine pour tromperie du consommateur et publicité comparative illicite, ainsi que son propriétaire Yves Vatelot. Alors qu’en première instance les sommes demandées pour réparation était respectivement de 30’000 et 15’000€, la Cour d’Appel a réduit ces montants à 8’000€ avec sursis. Elle y ajoute cependant un ordre de publication de l’arrêt sur les sites internet des parties civiles — c’est-à-dire le conseil des Grands Crus Classés en 1855, le conseil des Vins de Saint-Émilion et l’Union des Crus Classés de Graves —.
Reignac préfère voir le positif
« L’abaissement de la condamnation est à noter. C’est positif pour nous. Mais je suis déçu… Je pensais franchement que les juges comprendraient qu’il suffit de savoir lire pour saisir que l’on ne trompe pas le consommateur » regrette Yves Vatelot.
« Cette confirmation était attendue, le château de Reignac était allé trop loin dans sa communication. On ne peut pas utiliser impunément une mention traditionnelle qui est liée à un cahier des charges restrictif » explique maître Hélène Poulou, l’avocate des classements bordelais. Ils espèrent « que cet arrêt pourra être utilisé à titre de jurisprudence pour d’autres affaires de pratiques commerciales trompeuses. »
Et vous ?
Que pensez-vous de cette affaire ? Le Château Reignac a-t-il été trop gourmand ou les Grands Crus bordelais sont allés trop loin ? N’hésitez pas à donner votre avis en commentaire !
- Saint-Émilion : le château Figeac pourrait perdre son nom après avoir attaqué un voisin.
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- Vinovalie : condamnation pour avoir fait du rosé avec du rouge et du blanc
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Merci pour votre article, j'en parlé l'autre jour de cette histoire au bar à vin bordeaux qu'on fréquente d'habitude avec mes collègues et ils ne voulait pas voir la vérité en face. Je leur envoi de ce pas 😉 .
Bravo Jean-Nicolas,
Vraiment un super article qui manquait à la diversité du web. Je me suis tout de suite méfié de cette publicité qui tournait très souvent sur Facebook pendant un temps.
Puis récemment, je suis tombé sur la dite bouteille chez un couple d'amis. Alors effectivement, c'est un bordeaux correct mais très loin de qualité que l'on retrouve sur un Angélus (par exemple). Il y a même certains vins moins cher que le fameux Château de Reignac qui offrent de très bon rapport plaisir/prix
Et pour encore citer La Fontaine : "Rien ne sert de courir, mieux vaut partir à point."
D'un autre côté cela montre que c'est là que réside toute la fragilité de la subjectivité du vin (à Bordeaux en particulier)
Bref! Un vrai plaisir de lire cet article.
Corentin – DesVinsaVous
Vous ne buvez pas souvent alors…
bonjour
reignac 2010 pour moi le meilleur vin qu'i m'ait étéd boire !!
D accord avec vous mais il ne faut surtout pas toucher aux grds crus ceux-ci sont intouchables malheureusement pour nous .
Merci pour ce retour. Je ne reconnais pas le niveau de Bettane (je ne dois même pas lui arriver à la cheville), mais c'est vrai que cette vidéo m'a toujours fait tiquer…
Quel millésime as-tu goûté ? L'idéal serait de goûter ce fameux millésime 2001 pour en avoir le cœur net !
Faut voir le bon côté des choses, ils sont plus réalistes sur leur guide…
Caviste de métier j'ai eu l'occasion de vérifier ces dires… après être tombé par hasard sur la vidéo de cette fameuse incroyable dégustation, je me suis trouvé fortement pris au dépourvu… ne sachant que penser (et surtout ayant pu discuter déjà avec michel bettane et ayant pu de visu constater son niveau qui est excellent c'est un fait) je me suis empressé de me fournir le fameux flacon afin de vérifier que cela n'était pas une arnaque…quelle ne fut pas ma déception en dégustant ce challenger qui n'a rien d'exceptionnel ! un vin de bonne facture bien construit qui se vend à un prix raisonnable mais pas plus. cette vidéo sent la mise en scène et le pot de vin à plein nez, pour ma part je suis content que cela se soit terminé ainsi.
il est dommage pour les petits producteurs que les grands crus aient autant de puissance juridique mais il est légitime de perdre cette affaire quand on fait de la publicité mensongère.
j'étais en train de relire le guide bettane et desseauve quand je suis tombé sur reignac à qui ils mettent 2* … comment ne pas mettre les 5* quand on estime ce vin autant?
Très bon vin pour sa tranche de prix, après je suis pas un grand connaisseur, mais j’ai dejà gouté du château haut-brion, et clairement ça n’a rien à voir!
Après si vous avez l’occasion de le goûter, je vous le conseille quand même.
Comment ces Grands ont ils peur des Petits qui montent ? A suivre dans quelques années.
Les grands Bordeaux pensent avoir le monopole mais il n en n est rien tant leur produit est surfait et survendu. Je rappelle que nous ne parlons “que” de grains de raisin et de terre. Eux aussi en d autres temps ont su faire la propagande pour leur vins. Du coup c est de bonne guerre.
Reignac a juste utilisé les canaux de communications, en suscitant de la curiosité et cela tellement marché qu’il c est retrouvé au tribunal.
Pathétique.
Bonjour Franz,je comprend votre point de vue et conçoit que le domaine n’a fait qu’utiliser les canaux de communications adéquates. Ce qui me gêne le plus dans cette histoire réside dans la dégustation en 2009. Cependant, il ne faut pas oublier que tout ce battage médiatique n’a pas eu de conséquences réelles pour les Grands Crus, mais s’est fait au détriment des consommateurs…
Bonjour à tous, étant un simple amateur de vin et n’ayant jamais pu avoir l’occasion de goûter aucun de ces vins prestigieux ni celui de reignac je pe permet juste une petite réflexion pour partager avec tous le monde
Je vois que certain prenne très à cœur la “pseudo” usurpation de reignac pour s’être fait passer apparemment pour ce qu’il n’est pas… mais je n’ai vu personne relevait le fait que rotchild a verser énormément d’argent pour rentrer dans la prestigieuse classification des grand cru 1855
Ne trouvez vous pas ça tout autant révoltant?
Les châteaux rotchild sont ils réellement exceptionnel ont le sont-ils par flatterie
Merci Alex pour ce commentaire.
Pour avoir goûté ce fameux Reignac, il est impensable qu’il puisse rivaliser avec ces grands vins. Loin de moi l’idée de dire qu’il est mauvais, mais il n’est pas au même niveau de qualité.
Quant à la question concernant l’introduction du château Mouton Rothschild dans le classement des Grands Crus de 1855, il semble en effet étrange qu’il ait pu négocier son entrée en 1973. Cependant, il est à noter que le versement d’argent pour y accéder n’est qu’une théorie non fondée sur des faits. Probable donc, mais loin d’être prouvé.
Plus terre à terre, il est très probable que l’achat du domaine 2 ans avant le classement lui ait fermé les portes du classement à l’époque. L’inventeur de la mise en bouteille au château a décroché, grâce au soutien de ses cousins propriétaires de Lafite, proches de Georges Pompidou alors président de la République, le décret signé de Jacques Chirac – ministre de l’Agriculture – qui consacrait Mouton Rothschild premier cru. Dans la foulée, la devise du domaine devint : «Premier je puis, Second je fus, Mouton ne change.»
J’ai bu tout bordeaux , bourgogne et Rhône.
J’ai été surpris , déçu et décontenancé.
J’ai aimé , adoré et finalement détesté.
Reignac est très souple à la manière d’un angelus .
Il est fin comme un pauillac .
A la manière d’un grand pessac il flatte le palais par sa volupté et ses notes de moka grillé . A l’aveugle il a tout d’un grand. Maintenant lorsqu’il a été dégusté par le grand jury , il était à son apogée. Les autres étaient encore fermés trop jeunes pour être bu.
J’ai aimé Reignac , tout comme j’ai aimé les hauts de Pontet Canet , l’alter Ego de Palmer , le Baron de Brane , le clos du marquis de Léoville Las Cases … des seconds qui méritent d’être des premiers …
Mettre Reignac dans la catégorie des bon bordeaux supérieur c’est dénigrer les Roc de Cambres , les Puyguerauds , les le Puy , hostens piquants et autres Fourcas-hostens ou Poupille .
A défaut d’être bien née ils construisent du mieux qu’ils peuvent et rivalisent avec les plus grands . Au grand bonheur de notre portefeuille.