Pourquoi y a-t-il des sulfites dans le vin et sont-ils dangereux ? Un sujet hautement risqué surtout lorsque l’on veut être l’avocat du diable…

Les sulfites dans le vin… Utilisés depuis que le raisin est vin, ils sont devenus depuis près d’un an un sujet polémique. Désormais, il ne se passe pas un jour sans que quelqu’un me demande un vin sans sulfites et autres pesticides. Bien que l’on soit en droit de demander ce genre de vin, je constate que c’est bien souvent le seul critère de choix – ça arrive aussi souvent avec le vin bio –. Résultat, je me retrouve à énumérer tous les vins sans sulfites que je peux proposer, quel que soit le style. Presque systématiquement, la raison de cette demande vient d’une « allergie aux sulfites » …

Jean-Michel Quinoa, je sais… tu es allergique au gluten, au lactose et aux sulfites.

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Qu’est-ce que les sulfites et à quoi servent-ils ?

Depuis 2005, nous retrouvons sur nos bouteilles de vin la mention légale « Contient des sulfites ». Le vin contient principalement de l’eau, de l’alcool, des acides et des centaines de composés en plus ou moins grandes quantités. Grâce à cette composition, le vin n’est pas sensible aux risques microbiens majeurs comme les laitages peuvent l’être.

Bien que vous ne fassiez jamais une intoxication alimentaire bactérienne à cause d’un verre de vin, votre précieux nectar est très sensible à certains micro-organismes et transformations. Ces risques sont la hantise des viticulteurs et amoureux du vin. Car un vin « attaqué va devenir un produit quelque peu différent, bien connu en cuisine, plus couramment appelé vinaigre. Vous vous en doutez, le vinaigre n’est pas la meilleure boisson pour accompagner votre repas… Et c’est là tout l’enjeu des sulfites : un vin qui évolue naturellement deviendra, tôt ou tard, imbuvable et bon qu’à déglacer la sauce.

Quel est l’intérêt des sulfites dans le vin ?

Dans la technique, cet additif est utilisé pour ses propriétés antiseptiques, antioxydantes et antioxydasiques. En d’autres termes, les sulfites empêchent les « méchants micro-organismes » de faire du vinaigre de vin, tout en laissant les « gentils micro-organismes » faire leur travail : transformer le raisin en vin.

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Ce qu’on nomme couramment sulfite porte différents noms : le soufre, le SO2, le dioxyde de soufre, l’anhydride sulfureux, l’acide sulfureux ou encore le bisulfite ou métabisulfite de potassium. Je sais que ça peut effrayer, mais le mot chien n’a jamais mordu personne.

Le souffre, qui est un produit naturel et qui peut donc être utilisé dans les vins bios, possède plusieurs propriétés intéressantes. L’un des facteurs essentiels à l’élaboration du vin est l’oxygène. Souvent recherché pendant l’élevage, il est cependant un ennemi redoutable après la vendange, pendant les phases de débourbage et de soutirage, et avant la mise en bouteille ; le soufre est alors utilisé pour « consommer » l’oxygène indésirable :

  • Après les vendanges : on sulfite les raisins pour éviter une oxydation.
  • Au débourbage : suite au pressurage, on sulfite pour clarifier le jus en éliminant les particules indésirables. Souvent, le moût est mis au repos pendant 12 à 24 h de façon à ce que les débris tombent au fond de la cuve. Il ne faut surtout pas que la fermentation démarre pendant cette période, car elle pourrait gêner la sédimentation.
  • Pendant la fermentation : l’apport de sulfite à cette étape permet de tuer les levures indésirables ainsi que les bactéries responsables de la piqûre acétique, tout en laissant travailler les levures indispensables à la fermentation du moût.
  • Une fois les fermentations terminées : le soufre permet d’éliminer les germes pouvant entraîner une reprise de la fermentation, et protège le vin de l’oxydation lors des transferts de cuves par soutirages successifs jusqu’à la mise en bouteilles.

Il faut bien comprendre que le SO2 est un intrant essentiel dans le vin, puisqu’à l’heure actuelle aucun additif œnologique ne peut véritablement le remplacer.

Quelle est la réglementation de l’emploi des sulfites ?

Autorisé jusqu’à des doses de 450mg/l en 1926, l’usage du souffre est beaucoup plus maîtrisé et les seuils en vigueur sont de :

  • Entre 150 et 200 mg/l pour les rouges,
  • Entre 200 et 250 mg/l pour les blancs et les rosés, 300 mg/l pour les blancs de certaines AOC et 400mg/l pour les vins blancs liquoreux type Sauternes, Coteaux-du-Layon, etc.
  • Entre 185 à 235mg/l pour les vins mousseux.

Pour les vins issus de l’agriculture biologiques, les teneurs maximales autorisées sont de :

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SO2 max autorisé en Agriculture Bio et Demeter. (Source : Demeter.fr)

Un vin travaillé sans ajout de soufre pendant la vinification est dit « sans soufre ajouté » et vous verrez toujours la mention légale « contient des sulfites », obligatoire dès que la teneur en SO2 est supérieure à 10mg/l, car les levures produisent naturellement du SO2 dans le vin à hauteur d’environ 30mg/l. Ces vins dits « sans soufre ajouté » présentent le risque de contracter les maladies du vin contre lesquelles l’homme a cherché à lutter pendant des siècles !

Depuis combien de temps les utilise-t-on dans le vin ?

Durant l’Empire Romain, la viticulture a connu un développement considérable. La consommation quotidienne de vin s’accentue et entraîne une demande croissante de ce précieux nectar dont l’apogée était estimé au bout de 10 à 20 ans d’âge minimum. Le transport et le vieillissement prolongé soulèvent très tôt la question de leur conservation.

Pour Pline l’Ancien, les vins qui peuvent se conserver sans qu’on n’ait rien ajouté au moût sont les meilleurs, ce qui est presque impossible quand on connaît la propension du moût de raisin à vouloir se transformer en vinaigre… L’Homme a tout essayé pour empêcher le vin de devenir aigre : on y ajoutait de la résine crue, on essaya aussi la poix (résine cuite), ou encore du moût réduit par ébullition ainsi que des aromates, parfois même de l’eau de mer… Mais aucune de ces méthodes n’était miraculeuse.

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L’usage du soufre n’est pas récent. Dans son traité De Re Rustica, Caton (entre 243 av. J.-C. et 149 av. J.-C.) explique qu’il faut prendre soin des futailles et préconise de fermer les fentes avec du lut, un enduit qui se compose d’une livre de cire, d’une livre de résine, et deux fois moins de soufre. Il y évoque aussi un « moyen de soustraire la vigne aux ravages du ver coquin, en pulvérisant un mélange contenant, entre autres, « un tiers de bitume, et un quart de soufre ». Par contre, comprenant certainement mal les principes de la fermentation, le soufre n’était pas encore employé pendant la vinification.

Ce n’est qu’au 18e siècle qu’on observe véritablement les facteurs de dégénération du vin et l’usage positif du soufre. Nicolas Bidet, sommelier de la reine Marie-Antoinette, explique dans son « Traité sur la nature et sur la culture de la vigne, sur le vin, la façon de le faire et la manière de bien gouverner. À l’usage des différents vignobles du Royaume de France » de 1752, que « que le grand air corrompt et diminue la qualité du vin » et que les vins « mis en cave acquièrent une qualité bien supérieure à celle qu’ils avaient auparavant ». Il explique que « l’usage de faire couler dans le tonneau un petit bout de mèche » lors du premier tirage au clair (étape de clarification/filtration du vin) évite que le vin s’évente.

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En 1807, Jean-Louis Chaptal observe que la teneur en sucre du moût influe sur la qualité du vin. Plus le raisin est concentré en sucre, plus la fermentation se déroule correctement, et mieux le vin se conserve dans le temps. En cas de mauvaise année, il préconise dans son livre « L’art de faire le vin » d’ajouter du sucre dans le moût, expliquant que « l’addition de sucre a le double avantage d’augmenter considérablement la spirituosité du vin, et de prévenir la dégénération acide à laquelle les vins faibles sont sujets ». Il y décrit également la technique de soufrage des moûts pratiquée à cette époque : « on met le moût dans des tonneaux qu’on remplit au quart ; on brûle plusieurs mèches dessus, on met le bouchon, et on agite fortement le tonneau jusqu’à ce qu’il ne s’échappe plus de gaz par le bondon lorsqu’on l’ouvre ». Ce moût fortement soufré est appelé « vin muet », car incapable de fermenter, est alors ajouté au vin final à raison de deux ou trois bouteilles par tonneau.

Les méthodes de vinification font un véritable bond en avant grâce à Pasteur avec l’entrée de la science dans le monde de l’œnologie. Voyant que les maladies du vin étaient mauvaises pour son commerce, Napoléon III demanda à Louis Pasteur de trouver un « remède ». C’est ainsi que furent découverts les mécanismes précis de la fermentation du vin. Originaire du Jura, Pasteur observa des vins élevés sous voile. Il y découvrit que ce dernier était composé « de mycoderma vini très pur », mais qu’au contraire, « et sans aucune exception, les fleurs étaient un mélange de mycoderma vini et de mycoderma aceti lorsque le vin tournait à l’acide ». Pasteur venait d’identifier un micro-organisme que l’on connaît sous le nom de « bactérie acétique » responsable de la transformation du vin en vinaigre.

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En parallèle, Pasteur étudie aussi la maladie de la pousse. Cette dernière se caractérise par la présence accidentelle de gaz carbonique dans un vin qui ne doit pas en contenir. Le vin est trouble, devient légèrement perlant et fade. Il découvre la présence d’un ferment très différent de la levure alcoolique du vin. Cette maladie oubliée est due à la présence de bactéries lactiques qui décomposent l’acide tartrique en produisant de l’acide acétique et du gaz. Elles sont aussi responsables d’autres problèmes : augmentation de la viscosité du vin, amertume.

Pasteur conclut donc que « les maladies du vin sont corrélatives de la multiplication de végétations parasites, et qu’en l’absence de ces cryptogames le vin vieillit sans altération ». Pour éviter les procédés de soufrage connus de l’époque, Pasteur propose de chauffer le vin à une température de plus de 50°C : le concept de pasteurisation était né. Cependant, cette méthode était trop brutale pour le vin et donc peu intéressante.

C’est finalement bien plus tard, qu’on put employer le SO2 sous forme de gaz liquide, de solution aqueuse, ou de comprimés effervescents. Ce qui permet aujourd’hui un dosage et un contrôle plus précis.

Les sulfites sont-ils dangereux pour la santé ?

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Maintenant que vous savez presque tout sur le sulfite, je sens que cette question vous brûle les lèvres : dois-je me méfier des sulfites dans le vin ? Suis-je allergique et mes bras vont tomber comme j’ai pu le lire sur doctissimo ? Jean-Michel Quinoa a-t-il raison de me dire que je vais mourir à cause des sulfites dans le vin ?

Aujourd’hui, les sulfites sont utilisés dans différents produits et pourtant j’ai l’impression que le vin est le seul produit à véritablement en pâtir… Il ne faut pas oublier qu’ils sont aussi utilisés comme conservateurs dans les fruits séchés et les viandes.

En réalité, la transformation du raisin en vin produit naturellement du dioxyde de soufre, mais il est nécessaire d’en ajouter pour atteindre une concentration optimale. On a observé quelques cas d’intolérance aux sulfites chez les asthmatiques. Pour rappel, les sulfites servent de conservateurs. Ils servent de leurre à oxygène : au lieu de venir oxyder le vin, l’oxygène va venir oxyder le sulfite. Comme le soufre est un piège à oxygène, les personnes immunodéprimées ou avec une gêne respiratoire vont avoir un peu plus de mal que les autres à respirer causant ainsi des maux de tête, des rougeurs, des éternuements, etc.

On estime qu’entre 3 et 10 % des asthmatiques peuvent avoir des réactions liées à la présence des sulfites. Cela signifie que moins de 1 % de la population peut se dire en toute honnêteté intolérante aux sulfites. À titre de comparaison, vous avez autant de chance d’être schizophrène ou de souffrir d’épilepsie…

Pour voir si ton ami Jean-Michel Quinoa est véritablement intolérant aux sulfites, il suffit de lui faire manger une poignée de fruits secs et d’attendre de voir s’il se roule par terre. Alors que nos vins modernes oscillent entre 20 et 200 PPM, la poignée de fruits secs que vous venez de lui tendre contient entre 500 et 3 000 PPM ! Les plats industriels sont aussi des nids à sulfites puisqu’il suffit de constater que beaucoup d’entre eux contiennent un des conservateurs allant de E220 à E228 – ce qui équivaut aux sulfites –.

Bien souvent, on accuse à tort les sulfites, mais l’hypothèse la plus probable désigne d’autres coupables. On pense surtout à l’histamine présente dans la peau du raisin. Cette substance naturelle, qui est un dérivé de l’ammoniaque, a la fâcheuse tendance à dilater les vaisseaux sanguins.

Jean-Nicolas Mouretin
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