Le Père Pinard ou le vin des poilus : Durant la Première Guerre mondiale il fut personnifié… Bien loin de l’image que l’on en a aujourd’hui !
Les mots d’argot pour désigner le vin sont nombreux : du jaja, du jinjin, du pitchegorne, du picolo, du picrate, du picton, du pif, du pive, du pivois, du rouquin… Mais parmi ces nombreux mots s’en cache un qui possède une véritable histoire derrière. Le pinard a une histoire liée à la Première Guerre mondiale où il fut le vin des poilus qui lui donnèrent son heure de gloire en le désignant comme « Saint Pinard » ou « Père Pinard ».
Le Père Pinard, symbole de la France
Pendant la Première Guerre mondiale, le vin personnifié dans le « Père Pinard » a été le symbole de l’union sacrée autour des « Poilus » défenseurs de la Patrie — face au pays de la bière —. À l’époque, tout le monde s’accordait à dire que la guerre allait être courte. Au mois d’août 1914, de nombreux mobilisés pensaient être rentrés pour les vendanges. Nombreux sont ceux qui ne vendangeront plus.
Si la surproduction viticole est généralement synonyme de crise, le vigneron d’autrefois aimait cependant que sa vigne soit généreuse. En Beaujolais, le « Pisse-Dru » rappelle qu’il faut que le raisin libère son jus en abondance. Cette abondance a fait le bonheur des « poilus » de 14/18 et la fortune populaire du mot « pinard » bien que d’origine inconnue. Il peut provenir du mot grec « pino » qui signifie boire ou bien formé au XVIIe siècle à partir du nom de cépage « pinot ». Des auteurs lient son origine à Jean Pinard qui au XVIIe siècle représentait pour les Bourguignons l’archétype du vigneron.
Le vin était le compagnon de tranchée des poilus tout au long de la Grande Guerre. Il arrivait parfois que les poilus se rasent avec du vin pour économiser l’eau qui venait à manquer. Les soldats français utilisaient fréquemment le mot pinard. Même le général Joffre, qui était un fils de tonnelier, personnifiait le vin sous le nom du Général Pinard, le seul à pouvoir entretenir le moral des combattants. Le réconfort de l’ivresse permettait à de nombreux soldats d’oublier la mort qui attendait à la sortie de la tranchée.
Le pinard, c’est de la vinasse !
Le mot pinard est malheureusement devenu péjoratif puisqu’il désigne et désignait le vin ordinaire, aussi appelé « picrate » par les soldats — faisant référence aux vapeurs piquantes d’acide picrique dégagées par les obus —. Le vin est devenu un personnage à part entière : le Père Pinard qui réconforte le soldat est devenu Saint Pinard, le saint patron des poilus. De nombreuses chansons font son éloge : La Madelon, Rosalie, l’Ode au pinard ou encore Vive le Pinard. « Le pinard c’est de la vinasse, ça fait du bien là où qu’ça passe, vas-y bidasse, remplis mon quart, vive le pinard ! vive le pinard ! »
Guillaume Apollinaire, qui a participé à la guerre en tant qu’artilleur partageait cet avis « J’ai comme toi, pour me réconforter le quart de pinard qui met tant de différences entre nous et les boches ». Comme tout soldat, il connaissait le code des coups à boire : un coup de 75, et ils buvaient un canon ; un coup de 105, et c’est une chopine qu’ils descendaient ; un coup de 121 court, on passait à un litre de vin pur ; pour un 120 long, ils buvaient un bon litre de vin mouillé. Les soldats français se moquaient d’ailleurs des Allemands qui devaient vider « leur Verdun trait » vu les salves d’obus envoyées par le camp français.
Les vignerons participent à la guerre
Les vignerons du Midi avaient participé très tôt à l’effort de guerre puisque dès le mois d’août 1914, ils offrirent pas moins de 200’000 hectolitres aux soldats. En 1916, l’armée en commanda 6 millions d’hectolitres et le double en 1917. Les quantités de vin distribuées aux soldats évoluèrent chaque année passant de 25 cl en 1914, à 50 cl en 1916 puis 75 cl de vin en 1917. Les hommes venus de tout le pays devinrent de grands consommateurs de vin. Il en fut de même pour la langue française qui se développa après guerre dans les campagnes où le patois dominait avant-guerre. Le vin, comme la langue française, est devenu un symbole d’unité nationale.
Il faut bien conclure
Quelques politiciens et journalistes demandèrent d’ailleurs que Père Pinard soit cité à l’ordre de la Nation pour avoir participé, à sa façon, à la victoire de la France face au schnaps allemand.
Après tout ça, continuerez-vous à dire pinard pour parler d’un mauvais vin ? Pas si sûr…
- Histoire du vin : les événements de Montredon
- « La Géorgie, berceau de la viticulture » ? Pas si sûr …
N’hésitez pas à me faire part de vos impressions sur votre expérience en commentaire. Vous pouvez aussi suivre votre blog sur le vin avec Instagram.