Il paraît qu’un jour Albert Einstein aurait dit : « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre ». Bien que nous ayons aucun moyen de savoir si cette phrase est de lui ou non, elle a au moins le mérite d’être claire : sans abeilles, plus de vie humaine. Désormais, nous pouvons aussi dire « Si la guêpe disparaissait de la surface du globe, la viticulture n’aurait plus que quatre années à vivre ».

Aujourd’hui, nous savons que les guêpes portent le poids de la viticulture sur leurs petites épaules. Les champignons vivant sur les raisins, et particulièrement le Saccharomyces cerevisiae, sont différents d’un endroit à l’autre et provoquent des nuances de saveur notables du fruit. Saccharomyces cerevisiae n’est pas un inconnu, il intervient dans les processus de vinification du vin. Rappelez-vous, une brève avait été écrite sur ce champignon dans « Le rôle du terroir remis en cause ».

« Si la guêpe disparaissait de la surface du globe, le vin ne serait plus que l’ombre de lui-même » — ça fait peur, non ?

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La guêpe joue un rôle essentiel dans le vin

Nous savions déjà depuis 2012 grâce à des chercheurs italiens et français comment les levures de fermentation pouvaient se retrouver sur la peau des raisins. Les guêpes, et plus précisément leur appareil digestif, hébergent ces levures. Elles sont transmises à leur progéniture et sont dispersées dans la nature.

Les levures indigènes ou sélectionnées utilisées pour la fermentation trouvent leur origine sur la peau des raisins. Seulement, lorsque le raisin n’est pas mûr, il ne contient presque pas de levures. Ces dernières ne peuvent pas se déplacer dans l’air et ont donc besoin d’un vecteur pour se disséminer. Mais lequel ?

L’université de Florence et l’Inra de Montpellier se sont penchés sur la question et selon eux les guêpes et frelons sont de véritables niches à levures, qui participent à leur dispersion dans la nature et au maintien de leur diversité. Selon les chercheurs, la guêpe était une candidate idéale pour jouer ce rôle de “transporteur”. Durant son hibernation, elle héberge les levures dans son intestin pendant de longs mois. Pour nourrir sa progéniture, la guêpe régurgite sa nourriture et transmet par la même les levures qu’elle a conservées. Les levures consommées par une guêpe à l’automne peuvent donc se conserver au sein de son essaim jusqu’à l’été suivant et atterrir sur une baie.

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En disséquant plusieurs guêpes capturées dans le vignoble italien au printemps, en été et en automne, les chercheurs ont découvert 17 souches différentes de Saccharomyces cerevisiae — aussi appelée la levure du boulanger — dans leur intestin. Ils ont ensuite nourri des guêpes avec ces levures, puis elles sont restées en hibernation pendant 3 mois, et enfin les ont laissées construire leur nid et nourrir leurs larves. Ils ont retrouvé des souches de levures dans l’intestin des larves. Or, beaucoup de souches identifiées dans les guêpes et les larves sont des souches fréquemment présentes sur les raisins.

La guêpe est devenue un facteur à part entière de la typicité du vin.

Une nouvelle révélation

Une nouvelle publication de la National Academy of Sciences of the United States of America, démontre que la guêpe joue un rôle beaucoup plus important qu’on ne le pensait. Cela tient dans les recombinaisons et la création d’hybrides entre levures dans les intestins de l’insecte durant la période d’hibernation. Plus particulièrement entre Saccharomyces cerevisiae, Saccharomyces paradoxus et d’autres levures sauvages. Les guêpes favorisent la biodiversité des levures et par conséquent des saveurs.

Le vin possède donc des différences régionales de saveur influencées par leurs microbes, y compris les levures. D’après le docteur Cavalieri, qui dirige l’équipe de scientifiques de Florence sur le sujet, “Le maintien de cette spécificité exige le maintien de l’unicité des communautés microbiennes”. “Nous menons la guerre chimique contre les insectes, partout, or nos résultats servent essentiellement à dire que si nous continuons à tuer les guêpes, nous perdrons un élément fondamental du cycle écologique”. L’équipe de chercheurs cherche désormais à savoir si un processus similaire se produit chez d’autres insectes, comme les fourmis.

La relation entre guêpe et levure est indispensable aux vins, liqueurs, et bières. La guêpe, considérée comme une ravageuse, peut en réalité avoir une pertinence incroyable, en termes de valeur commerciale et industrielle. C’est elle qui contribue à la diversité des sens au sein des mêmes cépages.

Jean-Nicolas Mouretin

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