Vous en avez certainement entendu parler dernièrement, l’émission Cash Investigation a été diffusée sur France 2. Elle révèle comment les multinationales de l’agrochimie inondent nos régions, dont Bordeaux, avec leurs pesticides, au risque de mettre en danger la santé des enfants.
En France, la viticulture représente 20 % des pesticides utilisés alors qu’elles n’occupent que 3 % de la surface agricole française.
Suite à la diffusion du documentaire télévisé sur les pesticides, les militants pour l’interdiction de ces molécules ont rassemblé entre 500 et mille personnes à Bordeaux. En Gironde, l’inquiétude se répand au sujet d’écoles installées au bord des vignes et du danger pour les enfants ainsi exposés. Le département, ainsi que l’Aube, la Loire Atlantique et la Marne sont les plus touchées par les pesticides dangereux.
Ce n’est que le 6 février que l’appel à marcher dans les rues bordelaises s’est développé rapidement sur les réseaux sociaux. En une semaine, l’invitation des différentes associations locales a bien fonctionné — Confédération paysanne Gironde, Générations futures Bordeaux, Vigilance OGM33, Allassac ONGF, les Amis de la Terre Gironde, Collectif Alerte Léognan et Info Médoc Pesticides —.
Ce dimanche 14 février, la surprise a été générale lorsque 750 personnes — histoire de faire une moyenne… — se sont rassemblées pour réclamer l’arrêt de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture.
Bordeaux, région de la vigne et du vin
A Bordeaux, la viticulture pèse très lourd dans l’économie avec 411 communes sur 542 et près de 80 % des exploitations agricoles. Avec 6’600 viticulteurs et 300 maisons de négoce, le vin est le premier employeur de la région avec un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros.
À l’initiative, deux femmes se battent pour faire reconnaître la responsabilité des pesticides dans la mort de leurs proches et demandent leur interdiction. La première, Valérie Murat dont le père viticulteur est décédé en 2012 d’un cancer lié à l’arsénite de sodium, et Marie-Lys Bibeyran, dont le frère est mort d’un cancer rare en 2009.
Les deux femmes se battent depuis plusieurs années déjà. Marie-Lys Bibeyran a donné rendez-vous avec le préfet le 1er mars pour lui remettre une pétition pour la réduction de l’exposition des salariés de l’agriculture et des industries agroalimentaires aux pesticides que vous pourrez signer ici : « Pétition pour la réduction de l’exposition des salariés de l’Agriculture et des industries agroalimentaires aux pesticides ».
Dominique Techer, viticulteur bio à Pomerol et l’un des organisateurs de la manifestation a parlé au journaliste du Monde. D’après lui, il est bien obligé de mener des analyses de ses récoltes où il retrouve des traces de pesticides. Il évoque aussi le fait que la culture conventionnelle est désormais arrivée au bout d’une impasse. Désormais, les champignons sont bien plus résistants et de nombreux produits pesticides sont beaucoup moins efficaces. Plusieurs familles de substances chimiques ont perdu toute efficacité dans la lutte contre le mildiou, l’oïdium et la pourriture grise et pourtant ces produits sont encore épandus dans les vignes.
Les enfants en première ligne, mais pas que…
La mise en danger des enfants lorsqu’ils vont à l’école est la principale source d’inquiétude de nombreux parents à Bordeaux. Dans le département, 130 écoles sont exposées aux pesticides, car entourées de vignes. Mais il ne faut pas oublier les viticulteurs, eux aussi des victimes des produits qu’ils utilisent. Bien entendu, les viticulteurs ne traitent pas les vignes pour le plaisir, mais par nécessité.
Un enfant vivant en Gironde a 20 % de risque supplémentaire de développer une leucémie par rapport à un autre département en France
Que l’on soit en bio ou en conventionnel à Bordeaux, c’est un coût financier important et l’agrochimie est un véritable boulet pour les viticulteurs. Tout ce qui peut contribuer à moins traiter est forcément une bonne chose. D’ailleurs, de nombreuses initiatives ont été prises en ce sens par de nombreux viticulteurs, au niveau individuel comme au niveau collectif.
Les instances viticoles ont un rôle considérable d’impulsion à jouer au niveau local, mais chaque maillon de la chaîne doit prendre sa part de responsabilité. Le consommateur peut décider de privilégier une consommation de plaisir avec du vin issu d’une viticulture raisonnée. Les viticulteurs doivent accepter un changement de leurs pratiques avec une utilisation plus systématique des produits homologués pour la viticulture biologique serait un minimum, les pouvoirs publics doivent aussi se pencher sur ce problème de fond et légiférer sur l’interdiction des pesticides les plus dangereux, sur la mise en place de zones tampons autour des écoles, habitations et autres les lieux de vie, sans oublier ceux qui travaillent régulièrement avec ces produits. Bien entendu, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a pris l’engagement que d’ici à 2025 l’utilisation de pesticides soit réduit de moitié, mais pour y arriver faudrait-il encore que l’État prenne des mesures.
Jean-Nicolas Mouretin
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