Le 6 mars prochain aura lieu le 40e anniversaire des affrontements de Montredon-les-Corbières. Ce jour-là, la colère grondait chez les vignerons Languedociens et les manifestants n’avaient pas hésité à résister aux forces de l’ordre les armes à la main dans un terrible affrontement qui avait fait deux morts.
Première étape du Tour de France
Tour de France et vin chilien
Aujourd’hui, les vignerons de l’Aude sont prêts à manifester de nouveau pour faire face aux responsables de la société du Tour de France qui feront la promotion du vin chilien sur les routes de la Grande Boucle en 2016 et 2017.
Depuis 2015, la cuvée Bicicleta du groupe chilien Cono Sur a été choisie par Amaury Sport Organisation — l’organisateur de la Grande Boucle — et ce jusqu’en 2017 comme le vin officiel pour figurer sur les étapes du Tour lorsque celui-ci fait étape à l’étranger — parce que la loi Evin empêche de le faire en France —. Cette année, le vin chilien pourra faire sa promotion en Suisse, Andorre et en Espagne.
Dans un communiqué signé du président du syndicat des vignerons de l’Aude, Frédéric Rouanet, les vignerons s’offusquent d’un partenariat perçu comme une véritable trahison : « C’est avec une profonde stupéfaction et une grande déception que nous avons appris que le vin officiel du Tour de France jusqu’en 2017 est Chilien. Cette situation est intolérable, d’autant plus que la retransmission mondiale du Tour de France assure une promotion inédite de notre pays à travers le monde, en constituant une véritable vitrine de notre patrimoine culturel et économique. Face à cette humiliation, nous avons étudié avec précision la carte des étapes du Tour de France 2016 et nous bloquerons celui-ci sur tout le territoire français à des points stratégiques. Nous appelons les autres régions productrices de vin à rejoindre notre mouvement. »
Depuis 2014, le vin français n’est plus représenté au Tour de France
Tandis que la viticulture languedocienne s’améliore petit à petit, le syndicat des vignerons de l’Aude est prêt à monter aux créneaux pour défendre le vin français. Cette décision semble étrange si l’on considère que le vin français n’a plus de façade commerciale depuis 2014 sur les étapes de la plus grande course cycliste du monde.
Un combat perdu d’avance ?
Malheureusement, cette bataille va ressembler fortement à celui opposant David à Goliath. Pour être partenaire du Tour de France, il faut avoir de l’argent — beaucoup d’argent —. À titre d’exemple, devenir partenaire officiel du Tour représente un investissement d’environ 1,5 million d’euros pour une opération de sponsoring. Même si depuis cinq ans, les cours permettent une rémunération correcte, les sociétés productrices de vin, coopératives ou indépendantes auront le plus grand mal à prendre position dans la caravane du Tour. Frédéric Rouanet rappelle que le négoce français pèse plus de 7 milliards d’euros dans la balance commerciale. « C’est la preuve que les opérateurs français ont la capacité financière d’être partenaires du Tour de France au même titre que le Chili ».
« On se sent humiliés. On produit assez de bon vin en France pour que le choix se porte sur un vin français » Frédéric Rouanet, président du syndicat.
Un appel aux soutiens
Frédéric Rouanet, président d’un syndicat représentant 4’000 membres, appelle les autres syndicats viticoles à le rejoindre pour mener des opérations coups de poing sur les étapes. « On a étudié le parcours. À quatre mois et demi du départ du Tour, on sait où on bloquera. On pense que le côté politique va s’occuper de cette affaire. Les gens ne comprendraient pas que les forces de l’ordre nous bloquent. »
Seconde étape de la polémique du Tour de France [04/03/2016]
Un accord trouvé pour satisfaire tout le monde…
Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur du Tour de France offre aux viticulteurs de présenter leurs productions au Village du Tour, l’été prochain. Cette proposition est destinée à satisfaire les viticulteurs français qui souhaitaient bloquer l’épreuve, comme certains en avaient l’intention dans le Sud-Ouest.
Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, accompagné du quintuple champion de la Grande Boucle, Bernard Hinault, est allé rencontrer les viticulteurs au Salon de l’Agriculture — suite à l’invitation de ces derniers —, afin de trouver une résolution.
« On a discuté de la possibilité de faire venir les viticulteurs aux villages départ et arrivée à chaque étape du Tour », a expliqué Christian Prudhomme, « étonné » de cette polémique alors que l’accord avec les vins chiliens date de 2014.
… Qui risque de ne pas passer
Mais suite à cette rencontre et aux « accords » qui en découlent, le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude, Frédéric Rouanet, n’a pas mâché ses mots : « En ce qui nous concerne, nous ne sommes au courant de rien. Tous ceux qui ont communiqué sur ce dossier, politiques ou professionnels, nous en sommes fiers, mais personne ne négocie à notre place ».
Même s’il déclare que « la direction du Tour est prête à nous aider, malgré la loi Evin », Frédéric Rouanet campe sur sa position : « Tant que nous n’aurons pas rencontré Christian Prudhomme, nous maintenons notre volonté de bloquer le Tour, car nous voulons aller bien plus loin ».
« Il n’y a aucune difficulté pour la société du Tour de France à permettre aux viticulteurs et aux coopératives de mettre en avant leurs produits comme ce sera le cas dès la semaine prochaine sur Paris-Nice », sans en faire la publicité dans la caravane, a souligné Christian Prudhomme, selon qui les discussions étaient en cours sur ce point « depuis un an ».
Troisième étape de la polémique du Tour de France [16/03/2016]
La polémique du Tour de France ne cesse de faire de couler de l’encre. Nous arrivons à la troisième étape et il semble bien que ce soit enfin la dernière !
Un nouveau pas vient d’être franchi. Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, a fait de nouvelles révélations face à la pression menée par les viticulteurs de l’Aude, provoquée par la révélation du partenariat de trois ans entre la Grande Boucle et un producteur de vin chilien.
Suite à une question du sénateur de l’Aude Roland Courteau, le directeur du Tour a affirmé que « sur le prochain Tour de France, seuls les vins français seront servis dans nos espaces — c’est-à-dire village, hospitalités à l’arrivée et en salle de presse —, y compris pour les étapes se déroulant à l’étranger. »
Il a également évoqué étudier « en ce moment même les possibilités de promotion des vins français, dans le respect de la loi, » avec la volonté, « de mettre en place, chaque jour au sein du village du Tour, un pavillon supplémentaire à la disposition des producteurs locaux de vin ».
Christian Prudhomme a tout de même rappelé au sénateur que « l’accord passé avec ce vin chilien entre dans sa troisième année et a une portée limitée », mais que le Tour a toujours été attaché au terroir français. « Nous sommes comme vous persuadés qu’il est un atout majeur pour la communication de notre pays, vers l’extérieur, grâce aux images qui inondent le monde entier et parmi lesquelles figurent les vignobles. »
Quatrième étape de la polémique du Tour de France [10/05/2016]
Cette histoire ne fait que rebondir comme un ballon, mais cette fois-ci — on l’espère — une solution a enfin été trouvée pour contenter tout le monde !
© photo AFP |
Ce mardi 10 mai le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude, Frédéric Rouanet a déclaré que « Christian Prudhomme nous a amené beaucoup de choses, nous levons donc la menace de blocus ». Cette déclaration fait suite à une réunion avec le directeur du Tour de France.
Christian Prudhomme a reconnu : « Nous avons compris l’émotion des vignerons. C’est vrai que nous ne serions jamais venus s’il n’y avait pas eu ce coup de gueule au départ ». Pour calmer la gronde, le président du Tour de France a annoncé la création d’un « pavillon des vins, distinct de celui des produits régionaux qui existe déjà, et où les vins présentés seront adaptés aux régions viticoles traversées ». Ce pavillon sera mis en place dans le Village du Tour et dans l’Espace Relation Publiques, c’est-à-dire aux arrivées et départs. Le président du Tour de France est allé plus loin en annonçant que le pavillon sera installé « dans toutes les étapes, y compris à l’étranger et y compris dans les régions françaises qui ne sont pas viticoles ».
Afin de trouver un accord avec le président du Syndicat des Vignerons de l’Aude, Christian Prudhomme a assuré que cette action ne comprenait aucun volet financier. En revanche, le directeur du Tour de France n’a toujours pas voulu communiquer le montant du partenariat qui lie le groupe chilien Conosur et la société responsable du Tour de France.
Pour Christian Prudhomme, « il n’y a jamais eu un choix d’un vin étranger contre un français parce qu’il n’y a jamais eu de demande d’un vin français, tout simplement, peut-être parce qu’ils n’osent pas, parce qu’ils se disent qu’ils ne peuvent rien faire, or on peut communiquer partout sauf en France ». Jérôme Despey, président du Conseil viticole de FranceAgriMer et viticulteur dans l’Hérault, qui déclarait avoir pourtant entamé des discussions avec le Tour sur le sujet dès février 2015, s’est tout de même félicité que « la filière viticole soit présente sur toutes les étapes » avec un « pavillon des vins institutionnalisé, même dans des lieux où le Tour ne traversera pas de vignoble », et « une animation de nos vignerons ».
Frédéric Rouanet, président du syndicat des Vignerons de l’Aude, a conclu la polémique en déclarant : « On ne bloquera pas le Tour de France, puisqu’il y a beaucoup d’avancées, et on sait que Tour de France va rimer avec vin français cette année ».
Jean-Nicolas Mouretin
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