La Silicon Valley est le lieu de prédilection pour le développement de nouvelles technologies. Cette fois-ci, les techno-scientifiques se sont lancés dans un projet quasi biblique : transformer l’eau en vin — on n’arrête pas le progrès —. L’objectif qu’ils se sont lancé est de fabriquer un vin de synthèse. Un breuvage qui a le goût du vin, la couleur du vin, la texture du vin, les arômes du vin est-il vraiment un vin ?
Du vin en éprouvette
L’idée est assez simple : mélanger de l’eau avec quelques produits chimiques et ça fait du vin — et pas des Chocapics —. La StartUp Ava Winery s’est spécialisée dans la création de vin de synthèse en mélangeant de l’eau, de l’éthanol et des composés aromatiques.
« Nous pouvons transformer l’eau en vin en quinze minutes ! » Ava Winery
L’information a été relayée par le site d’informations scientifiques The New Scientist. Mardonn Chua et Alec Lee ont eu l’idée de développer un vin synthétique lors d’une visite de cave de la Napa Valley en Californie. Tandis qu’on leur faisait déguster un vin du Château Montelana, les deux comparses se sont retrouvés face à un problème que beaucoup d’amoureux du vin rencontrent : l’impossibilité de se payer une bouteille aussi bonne et chère.
Le Château Montelana se fit connaître en 1976 lors d’une dégustation à l’hôtel Inter-Continental de Paris. Cette année, quatre bourgognes ont été dégustés face à six blancs californiens. Lorsque les scores ont été comptés, les juges français étaient convaincus que le premier vin blanc était l’un des leurs. En fait, c’était un Chardonnay du Château Montelena de 1973. Les résultats ont prouvé que le Château Montelena — et la Californie — pouvait produire des vins aussi fins que des vins réputés de Bourgogne.
Depuis que le vin existe, la recette est peu ou prou la même : le vin est issu de la fermentation du raisin et les levures transforment le sucre du jus de raisin en éthanol. Le vigneron est comme un alchimiste qui cherche à changer le plomb en or. Chacun à sa façon de procéder avec ses petits trucs qui font que leur vin est différent du vigneron voisin. Mais être vigneron s’est aussi devoir faire face aux aléas de la météo ou encore de la vinification. N’y a-t-il pas plus simple ?
Place aux blouses blanches et à la chimie
Après une longue période d’essais désastreux à mélanger des combinaisons d’arômes, de dosages en éprouvette — et certainement des problèmes de digestion —, les deux chimistes sont parvenus à produire leur tout premier vin de synthèse. Cette première « réussite » expérimentale imite le Moscato d’Asti, un vin pétillant italien. Ivres de ce premier succès, Mardonn Chua et Alec Lee ont reproduit un champagne Dom Pérignon.
Le vin est un produit vivant et chaque bouteille peut contenir un millier de composants différents. C’est ce qui permet de caractériser un vin, de le différencier et de l’aimer. Aidés d’un sommelier et équipés de spectromètres de masse et d’autres outils complexes, ils ont analysé pendant de longs mois la composition de grands vins réputés. Grâce à l’identification et la concentration des molécules d’arômes clés, ils ont procédé à des mélanges jusqu’à obtenir un résultat similaire. Le vin synthétique se compose de tanins, de glycérine et de sucre pour reproduire la texture en bouche du vin, de plusieurs composés aromatiques pour les arômes et goûts, d’éthanol et enfin de 85 % d’eau pure.
Est-il possible de copier exactement le vin ?
Je ne vous cache pas qu’en tant qu’amoureux du vin, une telle nouvelle me laisse perplexe. Je doute qu’il soit possible de reproduire l’alchimie du vin simplement en mélangeant des produits dans une éprouvette. Comment la chimie pourrait-elle imiter parfaitement le rôle de la fermentation lente et subtile du raisin, le savoir-faire du vigneron, l’apport du terroir et de la météo ou encore le vieillissement du vin ?
New Scientific a pu comparer le vin de synthèse à son original et le résultat n’est pas vraiment concluant :
L’objectif affiché par les deux scientifiques est purement économique. Ce vin de synthèse se dispense de nombreuses étapes et aléas de la production de vin. Plus besoin de faire pousser des vignes, de les entretenir, de ramasser le raisin, de le trier et de le vinifier.
Est-ce un risque de produire un vin de synthèse ?
Dans un sens, oui…
Quand on imagine que les scientifiques sont arrivés à fabriquer 500 bouteilles de Champagne Dom Pérignon du millésime 1992 pour 50 $ au lieu de 200 $ pour le vrai champagne, on est en droit de se poser des questions sur l’avenir de la viticulture. Pour le moment, seuls les grands crus peuvent percevoir cette nouvelle comme un risque important, mais l’amélioration de leur processus de création de vin synthétique va permettre de faire baisser le coût de production et la qualité.
… Mais avec des avantages…
Une bouteille de vin contient entre 200 et 1’000 composés différents, dont certains n’ont aucun effet sur le goût, l’arôme ou la texture. Leur vin synthétique ne possède que les composés qui ont un impact positif sur le goût du vin. Cela signifie qu’il n’y a pas de traces de contaminants. Plus de traces d’herbicides, de fongicides, d’insecticides, d’arsenic et d’alcools secondaires contenus dans le vin ordinaire. Un vin « 100 % bio » développé dans une éprouvette.
… qui ne seront certainement pas suffisants
Alain Deloire, directeur du National Wine and Grape Industry Centre (NWGIC), a déclaré au journaliste Chris Baraniuk : « c’est absurde, pour être honnête avec vous ». Selon lui, le terroir joue un rôle très important dans la qualité du vin et les consommateurs sont habitués à choisir une bouteille de vin en fonction du cépage.
En plus de cela, il ne faut pas oublier que ce produit de synthèse ne pourra pas être appelé « vin » puisque l’Organisation Internationale du Vin et de la vigne définit le vin comme une boisson résultant « exclusivement de la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais foulé ou non ou du moût de raisin ».
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